Honoré de Balzac, Modeste Mignon, 1844.
Un roman dont le fil pourrait se
résoudre à celui-ci : mais qui va donc épouser Modeste Mignon ? L’action se déroule principalement au Havre, mais au Havre d’avant les grands aménagements du Second Empire, dans une ville étroite aux passions minces. Bien
sûr, c’est un peu plus étoffé. Mon avis sur ce roman de moyenne
longueur de Balzac n’est pas simple.
- Comme il est beau, mon fils !... disait-elle à sa petite amie Modeste en le lui montrant, sans aucune arrière-pensée, quand elles allaient à la messe et que son bel Eugène marchait en avant.
- Il vous ressemble, répondait Modeste Mignon comme elle eût dit : Quel vilain temps !
J’ai trouvé que la situation
initiale de la ravissante héroïne était bien compliquée, voire franchement artificielle,
entre revers de fortune et drames familiaux. Ce n’est pas totalement
invraisemblable, car les retournements politiques et économiques du début du
XIXe siècle sont assez nombreux pour rendre possible n’importe quel
renversement. Mais cela sent un peu son dispositif. Toutefois, cela a le mérite
d’évoquer un petit cercle de familiers (le couple de notaires, le nain, la mère
aveugle, la femme de chambre, etc.)
tout à fait réussis dans leurs diverses manies et très attachants.
Quant aux amours de Modeste, ils
se décomposent en deux étapes : une longue correspondance au ton exalté,
mais avec un beau quiproquo sur l’heureux élu, et une confrontation avec rien moins
que trois prétendants. Là encore, c’est un peu artificiel et la correspondance
m’est un peu passée au-dessus de la tête. En revanche, la cour faite à Modeste
par un jeune duc, un peu falot mais bien sympathique, un poète égoïste, mais
quand même tout à fait brillant, et un jeune noble, timide mais ténébreux, est
un beau morceau de bravoure, entre scène de théâtre et hommage à la galanterie
du XVIIIe siècle. Les rivaux ne se ménagent pas les piques et il y a
de jolies passes d’arme.
Église Notre-Dame au Havre. |
Et Modeste ? J’avoue avoir
eu du mal à m’y attacher. Sa personnalité ne paraît pas très ferme ni très
sympathique. On sent bien que Balzac a voulu signifier qu’il fallait éviter que
les jeunes filles aient trop d’esprit, mais il me semble aussi qu’il a voulu
ménager le suspense du roman en la posant tour à tour face à chacun de ses
prétendants. À elle les beaux dialogues, les mouvements d’humeur, les railleries et les bons mots !
Il s’est encore une fois fait dépassé par une de ces héroïnes (et ça, c’est
bien).
Je dois dire enfin que c’est un roman
très sympathique, car il n’y a pas de vrai méchant tirant les ficelles, ni non
plus de vrai perdant ou de malheureux à la fin. Tout le monde semble y trouver
son compte et ça fait du bien. On trouve encore une fois un hommage aux
grognards et aux vétérans de l’armée napoléonienne. Et un passage très drôle
raconte l’effet produit sur les jeunes filles par la lecture des poètes échevelés.
Les maisons peuvent brûler, les
fortunes sombrer, les pères revenir de voyage, les empires crouler, le choléra
ravager la cité, l’amour d’une jeune fille poursuit son vol, comme la nature sa
marche, comme cet effroyable acide que la chimie a découvert, et qui peut trouer
le globe si rien ne l’absorbe au centre.
Lu, avec plaisir. j'aime bien les romans épistolaires (mêem si seulement en partie) Et puis c'est Balzac!
RépondreSupprimerJ'ai trouvé certaines lettres vraiment trop longues et tirées par les cheveux mais l'ensemble est quand même assez réussi en effet.
SupprimerTrès heureuse de rester pour quelques temps chez Balzac
RépondreSupprimerc'est un des romans qui est sur ma liste
Balzac a des défauts certains mais quelle verve et quel art du récit
Oui, un grand art de la construction.
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