La vraie vie, la vie enfin découverte et éclaircie, la seule vie par conséquent réellement vécue, c'est la littérature.



lundi 25 septembre 2017

Alors à quoi je dois penser ? - À maintenant.

Paolo Cognetti, Les huit montagnes, traduit de l’italien par Anita Rochedy, parution originale 2016, édité en France par Stock.

Le narrateur, Pietro, a grandi à Milan, la ville grise et triste. Il raconte ses enfances en montagne avec ses parents, avec sa mère qui aimait se lier avec les gens, avec son père qui aimait grimper et arriver au sommet. Ensuite, il grandit, il s’éloigne de la montagne, de son ami Bruno et de ses parents et puis il revient.

Pendant que nous parlions, il s’était mis à pleuvoir. Je sentis une goutte sur le dos de ma main et vis que c’était de l’eau mêlée à de la neige. Le ciel aussi semblait balancer entre l’hiver et le printemps. Les nuages cachaient les montagnes et aplatissaient les choses, mais même par un matin pareil, j’arrivais à saisir la beauté de l’endroit. Une beauté sombre, rude, qui n’inspirait pas la sérénité mais la force, et un peu d’angoisse. La beauté de l’envers.

Même s’il s’agit d’un roman, de nombreux passages ont l’accent de la vérité, quand il s’agit de raconter l’enfance, l’exploration du ruisseau, la marche, le morceau de pain partagé sur un coin de caillou. Le récit ne se penche que sur les moments « en montagne », comme si ce qui se passait en ville, à Turin ou à Milan, n’était pas la vraie vie, n’existait pas vraiment, comme si tout commençait à partir du moment où on marche sur le chemin, comme s’il préférait oublier le père colérique de la ville pour conserver le marcheur silencieux.
Il est question d’un lieu en dehors du monde, où les maisons de pierres sèches sont perdues à deux heures de marche, où les humains sont peu nombreux, mais où les dettes existent quand même. Un lieu où l’on marche, on rêve, on écoute le vent et le ruisseau.
Un ruisseau en montagne.

Disons-le, je n’ai pas éprouvé la magie du Garçon sauvage qui est si lumineux et qui possède un émerveillement constant devant la montagne, où l’humanité en général est présente, que ce soit avec un paysan du coin ou avec la poésie et où même les animaux viennent habiter l’univers du narrateur. Le ton est ici bien plus mélancolique, puisque le narrateur y parle de l’amitié abandonnée et retrouvée, des relations difficiles avec son père et sa parentèle, du décalage avec le monde contemporain. C’est pourtant un très beau livre sur la montagne, sur une façon d’habiter la montagne qui est en train de disparaître et surtout sur l’amitié, cette relation étrange qui nous lie à un être vivant loin de nous, quelquefois très différent de nous, mais pourtant qui fait intimement partie de notre vie (mes amis ! Je vous aime !). La fin est notamment très émouvante.
Bien sûr, après cette lecture, on a plutôt envie de prendre les chaussures de randonnée et d’aller marcher, même une simple petite heure, même juste à côté de chez soi.

C’était une de ces journées de fin de printemps, celles où le vent n’arrête pas de souffler en montagne. Des bancs de nuages allaient et venaient, cachant le soleil, et l’air était encore froid comme si un hiver têtu refusait de quitter le devant de la scène. Le lac en contrebas ressemblait à de la soie noire, avec le vent qui la dentelait. Ou qui, au contraire, faisait tout sauf de la dentelle : il posait une main glacée qui effaçait les plis. J’eus envie de tendre les miennes en direction du feu, et de les y laisser pour lui voler un peu de chaleur.

L’avis de Dominique qui a aimé le récit d’enfance et de formation et de Lili.



6 commentaires:

Lili Galipette a dit…

L'enfant sauvage est sur ma liste d'achat ! :)

eeguab a dit…

Je viens de lire L'Enfant sauvage et ai bien l'intention de lire Les huit montagnes.

Dominique a dit…

Je suis d'accord avec toi sur l'aspect un peu magique du Garçon sauvage, mais avec ce roman je trouve que l'auteur a construit vraiment un très bon récit sur l'amitié l'enfance et la montagne c'est très réussi
merci à toi pour le lien

nathalie a dit…

Si je l'avais en numérique, je te l'aurais filé. Mais il est en papier et je l'ai déjà prêté en plus.

nathalie a dit…

Bonne lecture, je pense quand même que cela devrait te plaire.

nathalie a dit…

Oui ce roman porte beaucoup plus sur l'amitié. Je n'ai pas pu retenir ma petite larme à la fin d'ailleurs !