Antoine de Baecque, Les Talons rouges, 2017, édité chez
Stock.
Un panorama de la Révolution
française, en compagnie de la famille Villemort. Vieille aristocratie fière de
son sang pour le père et la mère, William qui a combattu en Amérique, favorable
à l’abolition de l’esclavage et Louis qui se jette à corps perdu dans le combat
révolutionnaire. Sauf que les Villemort sont des vampires.
J’avoue que j’étais un peu
curieuse. Antoine de Baecque est un historien connu (du XVIIIe
siècle, de la Révolution, du cinéma et de quelques autres choses), mais c’est
son premier roman. Alors ? Alors pour la partie « roman
historique », on y est. Pas de fiche explicative ou pédagogique, tout
coule de source. Le fracas révolutionnaire, les débats enflammés, le
durcissement des discours, les moments pathétiques, les renversements des
événements, tout y est, et avec grâce. Rendre lisible la Révolution n’est pas
évident, mais ici, ça me semble réussi. Le romanesque se mêle aux détails vrais
(les archives, les restaurants, les mots célèbres, les lieux) et l’effet de
confusion fiction/réalité marche à plein, ce qui est assez réjouissant.
Mais je suis un peu déçue de la
partie « romanesque ». Timide ou craintif ? Il me semble que les
personnages auraient gagné à être fouillés davantage, car plusieurs ont un
potentiel intéressant, notamment William, Equiano qui a un rôle très léger ou Marie réduite à pas grand-chose
alors que la fin suggère une nature riche (à moins qu’il n’ait fallu commencer
par la fin, justement). Ces figures, prometteuses, m’ont semblé trop pâles sur
le formidable arrière-plan qui est le leur. J’apprécie quand même la belle
place laissée au chevalier de Saint-Georges et à ses amis fictifs, qui est bien
supérieure à la réalité.
Anonyme, Le Triomphe de la guillotine, 1795-9, musée Carnavalet, photo M&M. |
Et les vampires ? Le dosage
est plutôt bon. Vous aurez compris que la Révolution est un moment propice aux
discours délirants sur le sang, ce qui est donc tout à fait adéquat. Les
clichés inhérents au genre me semblent bien réutilisés ici. Il y a du sang et
de la sensualité, de la violence et du sexe. J’espère que tout le monde a lu Les Dieux ont soif d’Anatole France qui
est une référence en la matière. D’ailleurs la cohorte des peintres fictifs de
la Révolution s’allonge avec ce roman. Après François-Élie Corentin et Évariste Gamelin, voici Évariste Lavis qui ne fait pas dans l’aquarelle, mais plutôt
dans la grande machine allégorique et dans le genre effrayant (Visages de l’effroi !). La fin du
roman annonce bizarrement le roman gothique, c’est assez bien vu.
Une lecture distrayant et très agréable.
Louis interrompt son furieux
quadrille et vient s’adosser à William, auquel il confie : « La danse
est aussi notre révolte contre le Vieux Monde, arme hic et nunc. » Pour le jeune Villemort, la danse porte une
promesse : ces jeunes gens incarnent une forme de prophétie, c’est du noir
de la nuit que viendra la lumière, une nuit blanche, exténuante comme une danse
ininterrompue ; opaque, attirante, propice aux pièges, où se noient et
s’évadent quelques corps à la frontière de l’aube, et portée par la violence qui
seule, peut détruire l’Ancien Monde.
Merci à Babelio et aux éditions Stock pour cette lecture.
C'est sûr que la Révolution a eu sa dose en sang !
RépondreSupprimerJe note le titre !
Bonne semaine Nathalie...
Il vient juste de sortir en plus !
SupprimerPas parfait mais suffisamment intéressant et agréable et bien documenté sans pesanteur. Je le note.
RépondreSupprimerOui ça manque de romanesque, mais sinon c'est très agréable.
SupprimerEn effet, je vois que nous sommes d'accord en ce qui concerne le traitement des personnages ;-) Bonne fin de journée !
RépondreSupprimerEt oui je connais bien le XVIIIe et un peu la Révolution, j'avoue tout.
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