La vraie vie, la vie enfin découverte et éclaircie, la seule vie par conséquent réellement vécue, c'est la littérature.



lundi 9 octobre 2017

Rarement le peuple de Paris a eu si peur que durant ces quelques mois.

Antoine de Baecque, Les Talons rouges, 2017, édité chez Stock.

Un panorama de la Révolution française, en compagnie de la famille Villemort. Vieille aristocratie fière de son sang pour le père et la mère, William qui a combattu en Amérique, favorable à l’abolition de l’esclavage et Louis qui se jette à corps perdu dans le combat révolutionnaire. Sauf que les Villemort sont des vampires.
J’avoue que j’étais un peu curieuse. Antoine de Baecque est un historien connu (du XVIIIe siècle, de la Révolution, du cinéma et de quelques autres choses), mais c’est son premier roman. Alors ? Alors pour la partie « roman historique », on y est. Pas de fiche explicative ou pédagogique, tout coule de source. Le fracas révolutionnaire, les débats enflammés, le durcissement des discours, les moments pathétiques, les renversements des événements, tout y est, et avec grâce. Rendre lisible la Révolution n’est pas évident, mais ici, ça me semble réussi. Le romanesque se mêle aux détails vrais (les archives, les restaurants, les mots célèbres, les lieux) et l’effet de confusion fiction/réalité marche à plein, ce qui est assez réjouissant.
Mais je suis un peu déçue de la partie « romanesque ». Timide ou craintif ? Il me semble que les personnages auraient gagné à être fouillés davantage, car plusieurs ont un potentiel intéressant, notamment William, Equiano qui a un rôle très léger  ou Marie réduite à pas grand-chose alors que la fin suggère une nature riche (à moins qu’il n’ait fallu commencer par la fin, justement). Ces figures, prometteuses, m’ont semblé trop pâles sur le formidable arrière-plan qui est le leur. J’apprécie quand même la belle place laissée au chevalier de Saint-Georges et à ses amis fictifs, qui est bien supérieure à la réalité.
Anonyme, Le Triomphe de la guillotine, 1795-9, musée Carnavalet, photo M&M.

Et les vampires ? Le dosage est plutôt bon. Vous aurez compris que la Révolution est un moment propice aux discours délirants sur le sang, ce qui est donc tout à fait adéquat. Les clichés inhérents au genre me semblent bien réutilisés ici. Il y a du sang et de la sensualité, de la violence et du sexe. J’espère que tout le monde a lu Les Dieux ont soif d’Anatole France qui est une référence en la matière. D’ailleurs la cohorte des peintres fictifs de la Révolution s’allonge avec ce roman. Après François-Élie Corentin et Évariste Gamelin, voici Évariste Lavis qui ne fait pas dans l’aquarelle, mais plutôt dans la grande machine allégorique et dans le genre effrayant (Visages de l’effroi !). La fin du roman annonce bizarrement le roman gothique, c’est assez  bien vu.
Une lecture distrayant et très agréable.

Louis interrompt son furieux quadrille et vient s’adosser à William, auquel il confie : « La danse est aussi notre révolte contre le Vieux Monde, arme hic et nunc. » Pour le jeune Villemort, la danse porte une promesse : ces jeunes gens incarnent une forme de prophétie, c’est du noir de la nuit que viendra la lumière, une nuit blanche, exténuante comme une danse ininterrompue ; opaque, attirante, propice aux pièges, où se noient et s’évadent quelques corps à la frontière de l’aube, et portée par la violence qui seule, peut détruire l’Ancien Monde.

Merci à Babelio et aux éditions Stock pour cette lecture.


6 commentaires:

  1. C'est sûr que la Révolution a eu sa dose en sang !
    Je note le titre !
    Bonne semaine Nathalie...

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  2. Pas parfait mais suffisamment intéressant et agréable et bien documenté sans pesanteur. Je le note.

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    1. Oui ça manque de romanesque, mais sinon c'est très agréable.

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  3. En effet, je vois que nous sommes d'accord en ce qui concerne le traitement des personnages ;-) Bonne fin de journée !

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    1. Et oui je connais bien le XVIIIe et un peu la Révolution, j'avoue tout.

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