Joyce Carol Oates, Maudits, traduit de l’américain par
Claude Seban, parution originale 2013, édité en France chez Philippe Rey.
Un grand gros roman gothique.
Tout commence dans la ville de
Princeton en 1905. Un narrateur historien nous prévient : c’est le récit
d’une malédiction bien connue. Ambiance ambiance… Le début est plutôt
mince : un lynchage à quelques kilomètres, un hypocondriaque qui se sent
encore plus mal que d’habitude, un complot ou une paranoïa, une préparation de
mariage… Ensuite quelques événements plus inattendus, avec une fraîche épouse
qui disparaît et des meurtres étranges. Rien de bien surnaturel. Jusqu’à ce
que…
Un oiseau prédateur au grand bec acéré et aux serres cruelles : le Paradoxe. En être la proie, c’est souffrir, mais d’une souffrance si exquise qu’elle se confond aisément avec une sorte d’extase.
Josiah secoua la tête pour échapper à la toile d’araignée de ces pensées.
Le roman nous plonge dans le
milieu le plus huppé de Princeton et des États-Unis : ancien et futur
président du pays, descendants de grandes familles qui ont joué des rôles
historiques au moment de la guerre d’Indépendance et de la guerre de Sécession,
universitaires, intellectuels… la fine fleur du pays. Toutefois les démons les plus
réels ne sont pas loin. Les noirs continuent d’être lynchés et rejetés, on est
dans la hantise du « mélane des races », ne parlons pas des juifs et
des catholiques, ni des femmes ni des pauvres. Comme toute cette belle société
est bien pourrie, satisfaite d’elle-même et fragile face au poison pernicieux
qui la frappe. On y croise plein de personnages historiques : Woodrow
Wilson le pas encore président des USA, Upton Sinclair l’auteur d’un roman
dénonçant à la fois les conditions de travail des ouvriers et la cruauté envers
les animaux dans les abattoirs de Chicago, Mark Twain en costume blanc, mais
que l’on n’aime pas trop parce qu’il est trop caustique, ou Jack London,
socialiste, vulgaire et raciste – un magnifique portrait tout en chair !
Bref, c’est l’Amérique.
C. Beaux, Petite fille, 1887, Philadelphie, Pafa, M&M |
La malédiction ? Je ne vous
en dirai rien. Sachez que la longueur du roman (800 pages tout de même) est un
atout, car elle contribue à installer un climat, une atmosphère de trouble. Le
narrateur insiste lourdement sur tel détail, se met en scène en train de
fouiller dans des journaux intimes, raconte une réunion où il a été question de
l’« indicible » – il n’en dira rien – et raconte inlassablement les
scènes les plus étranges, tout en ne disant rien des choses les plus
ignobles ! Ah c’est habile ! Bien sûr, le lecteur peut se faire une
idée et émettre quelques hypothèses, mais la malédiction reste impalpable. Nous
ne sommes pas ici dans un thriller à dévorer en trois nuits, l’œil haletant,
mais dans un roman prenant qui vous cramponne jusqu’au bout.
Je rajoute, en vrac : un moment
où le spiritisme est encore bien présent, la fascination pour le sexe, des
lectures sulfureuses, comme Emily Dickinson ou Edith Wharton et l’apparition
remarquée de Sherlock Holmes !
Une jeune fille – dit-on – &
ces mots horribles, qui me font défaillir : Le corps a été découvert.
C’était il y a quelques nuits de cela, la révélation en a enfin été faite.
& tout Princeton ne parle que de cela, mis à part les dames du West End,
bien entendu, & tout particulièrement nous, les Dames, invalides qui sommes
épargnées.
Ah JCOtes, ma vénérée... je n'ai pas encore lu celui-ci, même si je viens d'en finir 3 de l'auteur en un mois ! Sans compter le cahier de L'Herne toujours en cours de lecture ;-)
RépondreSupprimerTrois en un mois ! Ils devaient être un peu plus petits que celui-ci je suppose. J'avoue ne pas encore très bien connaître tout son univers, je n'en ai pas lu beaucoup.
SupprimerJe l'ai lu ! Tu as raison, quel bouquin!
RépondreSupprimerJe voulais aussi te signaler le message que j'ai fait passer dans facebook.
Han d'Islande était prévue pour le 16 décembre. Je ne pourrai pas être prête ce jour-là. Aussi je te propose de le reporter au mercredi 20 Juillet. Qu'en penses-tu ?
C'est parfait pour moi, je ne l'aurais pas publié un week-end de toute façon.
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