Bernard Quiriny, L’Affaire Mayerling, édition Rivages,
2018.
Vous connaissez l’histoire de
l’hôtel bâti sur un cimetière indien et qui est hanté ? Vous connaissez.
Et bien ici, nous avons affaire à une résidence de standing, un bel immeuble
dont on fait la promotion sur papier glacé et qui s’avère… maléfique.
En voilà une lecture
plaisante ! Tout commence par une conversation entre le narrateur et un
certain Braque à propos de la documentation des agences immobilières : ces
dessins présentant des familles dans leur nouvelle résidence de prestige, le
vocabulaire ronflant, les photos toujours les mêmes… Tout ceci en alternance
avec l’histoire d’un terrain se trouvant à Rouvières, sur lequel sera bâti
l’immeuble Mayerling, où emménageront des gens bien ordinaires alléchés par les
promesses de bonheur, calme et sérénité. Et toute l’histoire va se détraquer
petit à petit : l’eau remonte des canalisations, une anguille apparaît dans la baignoire, un garçon devient
agressif, le garage se couvre d’une matière gluante, un couple se déchire, la
dame pieuse aguiche les jeunes gens, etc.
La cohabitation dans un même immeuble est-elle trop difficile ? Le bruit,
les odeurs, les habitudes, les voitures, le courrier… Le béton s’attaquerait-il
aux humains ? Et où mène donc la porte inutile du sous-sol ?
Photo prise sur le site de Eiffage immobilier qui n'a pas dû lire le roman. |
Le roman alterne le récit et les
conversations. Il se présente comme une enquête, un recueil de témoignages pour
reconstituer une histoire étrange et un peu taboue. Le narrateur et Braque
consultent la presse et rencontrent des acteurs de cette aventure. C’est
l’occasion d’enchaîner les portraits du promoteur immobilier, de l’agent
immobilier, des ingénieurs, des ouvriers et des habitants. Le roman prend
également l’allure d’une fable et d’une satire. Tout en reprenant la trame d’un
roman de maison hantée, en adressant des clins d’œil à différents auteurs, dont
Perec, Calvino ou Ballard, il se moque de ces immeubles identiques construits
un peu partout dans nos villes pour loger tout le monde et des humains qui
s’entassent dans ces boîtes sans pouvoir se supporter. C’est extrêmement bien
vu sur notre petit monde contemporain. Un roman tout à la fois fantastique et
sociologique.
C’est une lecture très plaisante
et distrayante. On peut dire que l’on ne regardera plus son appartement du même
œil après ça ?
Nous passons aussi devant deux
chantiers, et contemplons longuement les bulldozers à l’œuvre. Des ouvriers
coulent du béton : bave épaisse et grise qui avale tout, engloutissant les
armatures en acier. Des tuyaux sont déroulés partout, en plastique, en
caoutchouc, jaunes, rouges, bleus, verts, oranges. Ces couleurs ont sûrement
une signification ésotérique.
Maizières soupire.
- Anarchiques
et animés, dit-il, les chantiers de construction sont au fond assez beaux. Plus
beaux, en tous cas, que les immeubles qui en résultent. Il vaudrait donc mieux,
pour l’intérêt des villes et pour notre santé mentale, qu’aucun chantier
n’aboutisse jamais.
Je-le-veux, forcément.
RépondreSupprimerJe le soupçonne de faire partie de ton équipe de chouchous.
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