La vraie vie, la vie enfin découverte et éclaircie, la seule vie par conséquent réellement vécue, c'est la littérature.



vendredi 2 février 2018

Votre cousin est décoré, je suis bien vêtu, c’est moi qu’on regarde…

Honoré de Balzac, Sarrasine, 1830.

Une nouvelle qui flirte avec le fantastique.
Tout commence au cours d’un bal à Paris. La fille de la maison est superbe et sa voix envoûtante. La famille fait l’objet de rumeurs : d’où vient cette immense fortune ? Et qui est ce mystérieux vieillard glacé ? Le narrateur va alors confier le secret à une jeune femme… Nous voici au XVIIIe siècle, auprès du sculpteur Sarrasine, un élève du grand Bouchardon. Un artiste génial, mais inapte à la vie en société. Quand il part à Rome, se former, il rencontre un soir la plus belle femme du monde. Enfin…

Mais, par malheur, l’histoire énigmatique de la maison Lanty offrait un perpétuel intérêt de curiosité, assez semblable à celui des romans d’Anne Radcliffe.*
* Oui, encore elle ! Décidément Balzac la cite souvent !

Cette nouvelle est très réussie, car si ce qu’elle raconte relève des faits, son atmosphère flirte avec le fantastique tandis que son interprétation est bien délicate. Le tabou, le fantasme, l’horreur, la fascination, tout est dit simplement en quelques mots. L’Italie est terre de mystère, de quiproquo, de palais immenses, de secrets enfouis, tout à fait propice à abriter les coulisses de l’histoire romantique d’une famille parisienne.


Bien mieux, il n’existait pas de distance entre lui et la Zambinella, il la possédait, ses yeux, attachés sur elle, s’emparaient d’elle. Une puissance presque diabolique lui permettait de sentir le vent de cette voix, de respirer la poudre embaumée dont ces cheveux étaient imprégnés, de voir les méplats de ce visage, d’y compter les veines bleues qui en nuançaient la peau satinée.
C. Léandre, Portrait de femme (détail), 1895 pastel, Petit palais.

Les comédiens sans le savoir, 1846.

Une nouvelle où des Parisiens, les peintres Joseph Bridau et Léon de Lora, décident d’éblouir un provincial des Pyrénées orientales – et où Balzac joue de tous ses effets devant le lecteur. Dans les deux cas, il s’agit d’épater et d’embrouiller, c’est un peu lassant et compliqué.
On assiste au défilé des stars de la Comédie humaine, à la mention de dizaines d’intrigues possibles et au grand jeu social. Il y a par exemple une évocation réussie de la dure vie des petites filles petit rat de l’Opéra. Mais j’en suis sortie la tête aussi embrouillée que ce pauvre provincial !
J’aime beaucoup la tentative de Balzac pour rendre l’accent du Sud, c’est un passage très savoureux.

Mone proxès, dit-il en grasseyant les r et accentuant à la provençale (les Pyrénées Orientales ! Honoré !), est queleque chozze de bienne simple : iles veullente ma fabrique. Jé trrouve ici uneu bette d’avocatte à qui jé donne vinte francs à chaque fois pour ouvrire l’œil, et jeu leu trouve toujours ennedôrmi… C’ette une limâsse qui roulle vêtur et jé vienze à pied, ile mé carrôtte indignémente, jé neu fais que le trazette de l’unne à l’otte, et jeu voiz que j’aurais dû prendreu vottur… Onné régarde ici que les gens qui sa cachent dedans leur vottur !


8 commentaires:

Dominique a dit…

c'est une des nouvelles sur ma liste même si je ne suis pas fan du fantastique, je suis devenue adepte des nouvelles de Balzac donc je la lirai

nathalie a dit…

Ah ce n'est pas à proprement parler fantastique, mais ça flirte, y a un climat d'étrangeté. Je pense qu'elle te plaira bien !

keisha a dit…

Il me semble avoir lu Sarrasine lors d'une des mes périodes balzac, mais plus trop de souvenirs, je devrais relire (de toute façon s'attaquer encore à balzac demeure un projet)

nathalie a dit…

Pas évident de venir à bout de la montagne. Quand on a fini d'un côté, il faut reprendre de l'autre.

keisha a dit…

Surtout quand on a le chic pour ne plus se souvenir des détails. ^_^

claudialucia a dit…

Pas lu Sarrazine mais la nouvelle me plaît à priori ! Je comprends qu'il cite souvent Radcliffe !
Quant à la prononciation "provençale", je l'escagasserais bien l'Honoré (s'il était encore vivant ) pour lui apprendre à respecter les provençaux !

nathalie a dit…

Moi je trouve cette imitation amusante. Balzac est un des premiers auteurs à introduire dans le roman les accents, l'argot des voleurs, le parler provençal. C'est un enrichissement de la langue. Le problème est d'attribuer le provençal à un gars des Pyrénées-Orientales...

claudialucia a dit…

Oui et puis ce n'est pas provençal du tout !