La vraie vie, la vie enfin découverte et éclaircie, la seule vie par conséquent réellement vécue, c'est la littérature.



mercredi 1 août 2018

Si tu tombes tu deviens de la cendre et le vent t’emportera.

Italo Calvino, Le Baron perché, traduction de l’italien de Juliette Bertrand revue par Mario Fusco (non, ce n’est pas la nouvelle traduction), parution originale 1957.

Nous sommes en 1767, en Italie, dans une famille de nobliaux un peu bizarres. Un jour, Côme, le fils aîné, décide de monter dans un arbre et d’y rester. Il ne touchera plus le sol jusqu’à sa mort.

Baptiste était parvenue à décapiter je ne sais combien d’escargots, et elle avait piqué ces têtes molles de petits chevaux, avec un cure-dent, je pense, sur autant de beignets : quand on les servit à table, on crut voir une troupe de cygnes minuscules. Ce qui impressionnait plus encore que la vue de semblables friandises, c’était de penser au zèle, à l’acharnement avec lesquels Baptiste les avait préparés, d’imaginer ses mains fluettes aux prises avec ces menus corps d’animaux.

C’est un conte philosophique comme le XVIIIsiècle a pu en concevoir. Une histoire où le héros hésite entre la sociabilité humaine et la solitude, l’action politique et collective et le refuge dans la pensée. C’est aussi un roman d’aventures où le héros cherche l’amour, relève des défis, se bat contre des pirates turcs, s’engage dans la Révolution française et rencontre Napoléon. C’est une aventure personnelle, un roman d’apprentissage où le génie du héros s’applique tour à tour à tous les domaines de l’activité humaine. C’est un conte mélancolique où il est question d’un monde disparu, où les arbres d’essence variées couvrent un large territoire, où l’homme parle le langage des oiseaux et des écureuils, où les loups viennent en hiver. C’est un roman où l’on raconte des histoires et des légendes.
La narration est menée sur ton doux et triste à la fois, avec beaucoup d’humour. Il y a de l’ironie contre les normes sociales, l’orgueil, les ridicules des riches et puissants. 
Beaucoup de personnages attachants, dont un cruel bandit qui adore les romans feuilletons de Richardson (l'auteur a décidément beaucoup d'humour).
Donc... c'est vachement bien ! Côme est très attachant dans sa quête éperdue, là-haut sur ses arbres. C'est aussi un roman très poétique et tout en douceur de vivre.

Une belle écorce d'arbre.
La lune se leva tard et brilla sur les branches. Les mésanges dormaient dans leurs nids, pelotonnées comme lui. Cent murmures, cent bruits éloignés traversaient la nuit, le plein air, le silence du parc ; et le vent passait. De temps en temps parvenait jusqu’à nous un mugissement lointain : la mer. De ma fenêtre, je prêtais l’oreille à cette haleine entrecoupée, j’essayais de me représenter ce qu’elle pouvait être quand on la percevait hors de l’abri familial : j’imaginais ce qu’on pouvait éprouver à quelques mètres de là, entièrement livré à ce souffle et tout environné par la nuit, sans autre objet amical à enlacer qu’un tronc d’écorce rude parcouru par de menues, d’interminables galeries où dorment des larves.

Sachez que Le baron perché est aussi le nom d'un excellent restaurant marseillais.

Une magnifique dernière page.

2 commentaires:

Bonheur du Jour a dit…

J'avais quasiment tout lu d'Italo Calvino à une époque, dont le fabuleux Si par une nuit d'hiver un voyageur qui ne m'a jamais plus quitté.

nathalie a dit…

Celui-là je l'ai lu l'année dernière. En effet, une merveille !