La vraie vie, la vie enfin découverte et éclaircie, la seule vie par conséquent réellement vécue, c'est la littérature.



lundi 17 septembre 2018

Cela ressemblait à une boucle qui se fermait, au retour au point de départ.

Pierre Lemaitre, Au revoir là-haut, 2013.

Un roman de l’après Première guerre mondiale. 
Tout commence en novembre 1918. Nous allons suivre trois soldats. Albert Maillard, hésitant, trouillard, mais qui parvient malgré tout à se sortir d’à peu près tout à peu près correctement. Il a pris en charge Édouard, une gueule cassée, qui a un trou au milieu de la figure, qui ne peut plus parler et qui ne peut avaler que des aliments liquides au moyen d’un entonnoir. Édouard est sorti de l’hôpital accro à la morphine et a décidé de ne pas revenir dans sa richissime famille. Et le capitaine Pradelle, un beau salaud, aristocrate ruiné prêt à toutes les combines pour restaurer le château familial. Ces trois-là se croisent et s’entrecroisent.

Au fond, Albert s’est engagé dans une guerre stendhalienne et il s’est retrouvé dans une tuerie prosaïque et barbare qui a provoqué mille morts par jour pendant cinquante mois.

Lemaitre raconte l’immédiate après-guerre, quand le pays est incapable de faire face à ses soldats, morts ou vivants. Il a fallu des mois pour démobiliser les poilus et les renvoyer chez eux, mais à leur arrivée pas de travail et personne pour entendre leur plainte. Il y a de l’argent pour construire des monuments aux morts (et Édouard a d’ailleurs une idée de génie) et même pour créer ces immenses nécropoles militaires (là c’est Pradelle qui se frotte les mains). La période est propice aux affaires, aux magouilles, aux renversements de fortune, à l’ascension de nouveaux riches : la paix est revenue et il y a de l’argent. L’ensemble prend des aspects de farce macabre, de danse grotesque et rutilante.
Si le roman se lit aussi bien, c’est grâce à l’entrecroisement réussi entre les différents fils et à la présence de plusieurs personnages secondaires : le père Péricourt qui découvre un jour le deuil, des fonctionnaires, une mignonne petite bonne, des travailleurs chinois et sénégalais employés aux basses œuvres, une petite fille… Plus généralement, le roman restitue une partie du climat de cette après-guerre (ce n’est pas le même que dans Aurélien), avec l’impossible retour des héros, la place omniprésente des morts et la soif de vivre et de consommer d’une partie de la population.
La langue est fluide, mais ne m’a pas plu plus que ça. 
 
F. Vallotton, Le cimetière militaire de Châlons, 1917, BDIC Nanterre.
Un tel rassemblement de héros se montrerait certainement sourcilleux sur toute question touchant leurs « chers morts ». On en prononcerait, des grands mots ! Ah, on avait été incapable de payer correctement le pécule des soldats démobilisés, de leur retrouver des emplois, mais maintenant, on se vautrerait dans la morale !

Sur le rapport du roman avec l’histoire, un entretien de l’auteur dans la Fabrique de l’histoire : 

Couleurs de l’incendie, 2018.

J’ai commencé la lecture de cette suite qui se centre sur le personnage de Madeleine, la sœur d’Édouard Péricourt, richissime, mais perturbée par l’état de santé de son fils. Autour d’elle se noue une intrigue politico-financière. Je ne suis pas allée loin dans ma lecture. En effet, si Au revoir là-haut est très sombre, voire franchement étouffant, il est habité par le grotesque et le baroque de certaines scènes qui éclatent violemment dans le décor grisâtre de l’ensemble. Mais ici, tout est plus réaliste et plombé. Je vois bien que Lemaitre a voulu faire un grand roman balzacien, le récit de Paris et de la France de l’Entre-deux-guerres, de ces fortunes qui se font et se défont autour du pouvoir politique, mais ni les personnages ni la langue n’ont de quoi m’accrocher.


8 commentaires:

  1. Je n'ai lu ni l'un ni l'autre car le style m'a rebutée, en revanche Albert Dupontel a adapté "Au revoir là haut" au cinéma et c'est une grande réussite (oui, parfois le film est mieux que le livre je trouve !)
    Ellettres

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  2. Lu Au revoir la haut mais je ne lirai pas Couleur de l incendie

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    1. Tu auras compris qu'il s'agit pour moi d'une excellente stratégie.

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  3. Quel dommage que vous n'ayez pas aimé plus que cela Au revoir là haut. Je me suis régalée. Et j'ai l'intention de lire bientôt la suite.... Aïe aïe aïe, et si j'étais déçue... A voir, donc.

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    1. Je connais plusieurs personnes qui ont aimé ! Pas d'inquiétude !

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  4. J'ai entendu beaucoup de bien du film de Dupontel ! Mais il faudrait que je me décide à lire le roman d'abord, qui est dans ma PAL depuis un grosse année (car je le propose à mes 3e). Ce que j'en ai feuilleté ne m'a pas foudroyée. A voir...

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    1. C'est sûr que les ado préfèreront le film. Le roman est plutôt réussi, malgré ses défauts (je ne suis pas une inconditionnelle).

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