La vraie vie, la vie enfin découverte et éclaircie, la seule vie par conséquent réellement vécue, c'est la littérature.



samedi 26 octobre 2024

Le manoir d'Ango

 

Dernière étape de ces vacances estivales. Après la visite du Bois des Moutiers, j’ai mangé mon sandwich dans un champ avant d’attaquer un classique de la Normandie, j’ai nommé le Manoir d’Ango.


Jehan Ango est né à Dieppe en 1480. Adulte, il devient le plus riche armateur de la ville, à la tête d’un chantier naval et d’une vaste flotte. Lui-même se rend en Amérique du Nord et participe à la fondation d’une colonie à Terre-Neuve. Il s’associe à d’autres armateurs de Normandie et entretient des liaisons commerciales avec les Antilles, Terre-Neuve, la Guinée, le Brésil, l’Inde… Les bateaux des armateurs normands sillonnent alors toutes les mers du globe. Ango est aussi le gouverneur de Dieppe et le conseiller du roi. Il contribue à payer la rançon de François Ier, lorsque celui est fait prisonnier à la bataille de Pavie. Mais à la mort de François Ier, il est ruiné et il perd son protecteur. Une tempête finit de dévaster sa flotte. Il meurt en 1551 dans son manoir, sans ressources.


Un gros corps de ferme avec des tours et une allée de buis : c'est là !


C’est en effet en 1530 qu’il décide de se faire construire un manoir, une résidence d’été à la campagne, à Varengeville. Le lieu est unique, car il mêle l’inspiration de la Renaissance italienne aux matériaux cauchoix (brique, silex, grès provenant des carrières du cap d’Ailly).

À l’époque, il y avait beaucoup moins d’arbres qu’aujourd’hui et il était possible de voir les bateaux entrer et sortir du port depuis la petite tour (pratique pour un armateur).

Le roi de France et toute sa cour a été reçu dans le manoir. Et Breton y aurait séjourné et rédigé Nadja.



`

Le bâtiment principal avec une loggia : c'est la mode italienne. C'est aussi un lieu pour l'apparat, car il permet d'accueillir ses visiteurs avec une certaine pompe. Le mur est orné de médaillons sculptés. Et les arcades sont également ornées de bas-reliefs ornés. Auparavant, se tenait au-dessus de la loggia une grande salle de réception.






Le fabuleux et spectaculaire colombier (car le mot pigeonnier n'apparaîtrait qu'au 17e siècle) ! Il est haut de 11 mètres et porte un toit d’inspiration byzantine. 


 

Regardez-moi cette merveille ! La pierre et la brique dessinent des décors polychromes et géométriques, qui sont autant de broderies. La corniche de pierre a pour fonction d'empêcher les rongeurs de monter à l'assaut des oeufs. Ce colombier abritait 1600 boulins pour 3200 pigeons. C'est un chef d'oeuvre.



Les autres bâtiments sont plus ordinaires, gros corps de logis avec leurs fenêtres Renaissance. Mais vous voyez ce qui fait le charme particulier de l'endroit.



Le placage de grès et de silex rappelle les placages de marbres polychromes tels qu'on les voyait en Italie. C'est aussi un signe certain de richesse, parce que se payer des artisans capables de tailler le silex ainsi...


Le lieu est agréable à la visite, mais ne perdez pas de temps : c'est qu'il faut reprendre le bus pour Dieppe.


D’ailleurs… je vous conseille un petit tour dans la cathédrale de Dieppe pour revoir la fameuse frise des sauvages.

Cette frise orne l’entrée de la chapelle du Trésor de la cathédrale. Elle date des années 1530 et a été réalisée à la demande d'Ango. Elle représente les différentes nations supposément découvertes par les navigateurs normands.



Des personnages nus, portant des sagaies, et d'autres personnages avec des turbans...


Sur le rehaut un homme coupant un arbre, puis des guerriers et un prisonnier...


Un cortège, où un enfant est porté en grande pompe.

Et des danseurs...


Voilà. Il y aura peut-être un billet conclusif avant de démarrer la nouvelle série.

jeudi 24 octobre 2024

Après ce grondement incessant qui semblait ne jamais devoir finir vint enfin un silence profond et impressionnant que, dans le coin, on n’avait pas entendu depuis quatre ans.

 

Mario Rigoni Stern, L’Année de la victoire, parution originale 1985, traduit de l’italien par Laura Brignon, lu dans l’édition de 2024 de Gallmeister.

 

Novembre 1918, l’Italie fait partie des vainqueurs de la guerre (mais ne se débrouille pas très bien lors des négociations) et les villageois qui ont abandonné leurs maisons dans les montagnes, à la frontière avec l’Autriche, espèrent bien rentrer chez eux. Hélas, tout est détruit et tout est à reconstruire.


Matteo et son père regardaient le cœur serré, sans parler : pour eux, ce n’étaient pas seulement des décombres, mais la fin d’un monde, d’un village et de coutumes nées quand nos ancêtres avaient choisi de s’installer sur cette terre dont personne ne voulait parce qu’elle était trop reculée, difficile d’accès et sauvage, à savoir couverte d’épaisses forêts. Tous deux n’avaient peut-être pas appris ces choses, mais ils les sentaient instinctivement, car ils faisaient partie de ces décombres de maisons, de ces forêts sans plus un arbre vivant, de ces pâturages sans herbe.


Le livre raconte la vie dans la famille de Matteo, un garçon de 15 ans, durant l’année 1919. La découverte du terrible paysage de ruines qui a remplacé celui des maisons et des alpages : les armes et les munitions jonchent la terre, le potager a servi de cimetière, les bombardements ont détruit les murs et le sol, les cadavres et les morceaux de ferraille ont remplacé les fleurs. Sur ce paysage dévasté, on s’attelle à reconstruire, sans attendre l’aide du gouvernement, et malgré les interdictions militaires diverses. Le monde est aussi en ébullition. Et pourquoi s’est-on battu ? Pour ça ? Et où est la paix ?

Un roman qui me laisse un sentiment mitigé.

J’apprécie grandement le récit d’un monde disparu, la peinture des destructions et du chaos, le difficile retour chez soi – même si tant de choses ne reviendront jamais. Il y a aussi toute la richesse humaine du village. C’est une sorte de vue panoramique, un genre de tableau flamand d’un monde qui a été ravagé et qui se reconstruit en se transformant et qui ne réapparaîtra pas. C’est un monde où on achète les semences des plantes, le volume d’un dé à coudre – autant dire qu’il ne faut pas rater ses semis.

Je comprends que Rigoni a voulu faire un récit tout à la fois réaliste et une fable, mais ce dernier pan me semble un peu trop accentué. Les personnages manquent d’épaisseur. Les femmes font la polenta et la lessive.

Il y a le retour d’un immense troupeau de mouton qui traverse le village et qui met tout le monde en joie – comme dans Le Grand troupeau de Giono.

 

Plus loin, c’était la fin de la futaie. Pas à cause du climat ou de l’altitude, car autrefois la végétation de sapins et de mélèzes arrivait bien plus haut, mais parce que les troncs avaient été fracassés par les bombardements, sciés par la mitraille, et l’herbe et les arbustes tués par le gaz. Les pierres à nu noircies par les explosions ou jaunies à cause des explosifs, ou blanches car exhumées après des millénaires, paraissaient les os brisés de la Terre.

Horovitz, Batterie de montagne sur le Monte la Gusella, 1917, Vienne Heeresgeschichtlisches museum
 


Ici il est écrit que dans ce village on parle cimbre.

On apprend brièvement au début du livre que Tönle est mort.

Malgré tout, je pense lire le troisième volume de cette sorte de trilogie thématique, mais ensuite, je reviendrai à ses récits de montagne.


 Rigoni Stern sur le blog :

Hommes, bois, abeilles : la vie dans la montagne
Le Sergent dans la neige : la très longue retraite de l'armée italienne en Russie pendant la Seconde guerre mondiale, un chef d'oeuvre
Retour sur le Don : des récits de l'armée italienne dans les confins russo-ukrainiens 
Histoire de Tönle : un berger et son village à la frontière de l'Italie et de l'Empire, au temps de la Première guerre - une évocation très réussie


C'est une lecture commune et une participation à la quinzaine italienne d'Eimelle.

Keisha a lu L'Année de la victoire. Alex a lu L'Année de la victoire et nos deux avis sont très proches. Eimelle a aussi lu L'Année de la victoire mais c'est la plus enthousiaste ! Ingannmic a lu L'Histoire de Tönle et elle a beaucoup aimé (elle a raison).



mardi 22 octobre 2024

Nous avons roulé une partie du trajet sur les grosses pierres des anciennes chaussées toscanes.

 

 

Joseph (pour les dessins) et Elizabeth (pour le texte) Pennell, L’Italie à vélocipède (titre original : Two Pilgrims’ Progress; from fair Florence to the eternal city of Rome), parution originale 1887, traduit de l’américain par Matthieu Mas, édité en France par La Fosse aux ours.

 

De Florence à Rome en tandem ? C’est parti. Mais attention, c’est un tandem de la fin du XIXe siècle, assez différent de ce que l’on connaît, alors que la fabrication de ce genre d’engins n’est pas encore normée. Et malgré l’état des routes (trop en pente, ou trop rocailleuses, ou trop sableuses pour pouvoir pédaler), nos deux héros apprécient fortement ce voyage.

C’est un plaisir de lire ce petit livre, comme une échappée dans la campagne italienne. Les Pennell suscitent une attention démesurée avec leur drôle d’engin, mais ils avancent rapidement de ville en ville et d’auberge en auberge, leurs affaires dans les porte-bagages. Ce sont des voyageurs sympathiques, pas grincheux, plein d’humour anglais et d’esprit. On aurait presque envie de boire le café avec eux.

Le récit de l’arrivée à Rome est très amusant.

 

Les femmes, tout en tressant la paille des gerbes ocre accrochées à leur taille, et les enfants, nous acclamaient. Les boulangers torses nus, leurs mains blanches de farine, les barbiers, rasoir à la main, des hommes, le visage à moitié rasé et encore plein d’écume de savon, et d’autres avec des verres de vin aux lèvres, se précipitaient pour regarder la nouvelle lubie de ces étrangers, car notre machine était le premier tandem à trois roues jamais vu en Italie.


J’ai été attirée par Elizaebeth Pennell, car elle a écrit un texte sur un voyage en Italie, dans les pas de celui de Laurence Sterne. Malheureusement il ne semble pas avoir été traduit. Par ailleurs, elle a également été critique gastronomique et collectionneuse de livres de cuisine (plus de 1000 volumes ! dont la plupart se trouvent aujourd’hui à la Bibliothèque du Congrès). Le couple Pennell a été critique d’art (une biographie de Whistler est à leur actif).

Quel engin !
 


Peu après, en traversant la place du marché, nous avons remarqué à l’extrémité d’une longue rangée d’étals des femmes debout qui portaient des paniers d’œufs, tandis que, tout autour, d’autres femmes, et parfois des hommes, vendaient leurs fruits et légumes assis confortablement sur leurs petits tabourets. De l’autre côté de la Porta Romana, tandis que le soleil inondait Pérouse de ses rayons éclatants, une épaisse brume blanche recouvrait la vallée, qui ressemblait à un grand lac bordé par les montagnes.

 

Une étape dans la quinzaine italienne d’Eimelle.



 

samedi 19 octobre 2024

Le Bois des Moutiers ou la Normandie Art and Crafts

 


Voilà. Le blog était dans le Yorkshire, mais la veille, vous avez descendu toute l'Angleterre en train et pris le bateau et vous êtes arrivée à Dieppe dans la nuit. Couchée à minuit, bien fatiguée, mais tranquillement heureuse avec tous vos souvenirs de vacances. D’autant qu’il vous reste quelques jours.


Après tout, vous êtes en villégiature à Dieppe.

Le marché de Dieppe. Le chocolat chaud sur la plage.

Une jolie balade à Saint-Valery-en Caux sous la pluie.

Une expédition à Rouen pour visiter la belle exposition Whistler et acheter le catalogue.


Et un beau matin, à 8h20, le bus 214 vous emmène à Varengeville.

Ah ! Varengeville, son église, son chemin de randonnée. Je vous ai déjà montré tout cela, c’était si beau.

Aujourd’hui, tout en étant à Varengeville, vous restez quand même un peu en Angleterre.


 

En 1898, Guillaume Mallet, issu d’une famille de banquiers protestants, demande au jeune architecte Edwin Lyutens et à la paysagiste déjà renommée Gertrude Jekyll de construire pour sa famille une demeure et un jardin, qui constitueront un ensemble des plus harmonieux. Ce sera le Bois des Moutiers.

À l’époque, il n’y avait pas ces grandes maisons fermées ni tous ces arbres, mais un paysage de falaises et de bocage, beaucoup plus ouvert qu’aujourd’hui.

C’est une réussite, avec un domaine Arts and Crafts au cœur de la Normandie.


Et qui est Lyutens ? Il est l'auteur de la planification de New Delhi, de plusieurs demeures en Angleterre, de l'aménagement de cimetières anglais en France dans l’Entre-deux-guerres.

Et Jekyll ? Elle est déjà renommée à cette date. Elle a aménagé plusieurs jardins en Angleterre, mais je n’en ai visité aucun.

 


En discutant à droite et à gauche, je me rends compte que les conditions de visite ont pas mal changé avec les années. Auparavant, la maison se visitait et on m’a abondamment parlé du salon de musique. À noter que la demeure a reçu tous les artistes et hommes de lettres du début du siècle. De grands musiciens ont joué ici. Désormais, la maison ne se visite plus. C'est dommage, car l'architecture, la décoration intérieure et certains meubles, tout forme un ensemble cohérent ! Cela doit être bien beau.


Le jardin et la maison constituent donc un tout harmonieux (les Mallet étaient théosophes et il est question de blablabla nombre d’or blablabla fumeux au cours de la visite) et ils conversent ensemble. C'est extrêmement réussi.



La maison côté jardin avec ses fenêtres si particulières.



Des lignes droites, des lignes courbes, des aplats, des asymétries...



Le jardin comprend plusieurs espaces, articulés entre eux par des portes. Portes maçonnées ou portes de verdure. À chaque fois nous passons dans une ambiance différente, par un jeu de hauteur de sol, de lignes qui conduisent le regard. Impression de jardin clos, impression de grand espace, impression un peu plus fantaisiste...




Les buis dessinent quatre espaces, de verger et de potager, se mêlant aux fleurs. Ici les plantes sont abritées et tranquilles.



La maison côté parc. Tous les arbres ont été plantés par Guillaume Mallet ou les membres de sa famille. Auparavant on voyait jusqu'à la mer. Les espèces ont été choisies pour composer une sorte de tapisserie verte, où les couleurs, les formes, les textures varient et se font écho.


Ensuite nous nous enfonçons dans le parc et nous admirons les beaux arbres et les jeux de vue créés par les sentiers et les percées entre les feuillages.




Le site est renommé pour ses spectaculaires rhododendrons, mais ils n'étaient plus en fleur au mois d'août (je note d'y retourner au mois de juin). Ils forment un massif gigantesque.

Les jardins qui auparavant se visitaient librement et qui attiraient énormément de monde sont désormais accessibles uniquement sur inscription et en visite guidée. Ne faites pas comme moi, inscrivez-vous sur le site internet (moi, je suis arrivée avec mes yeux de cocker en disant que j’étais venue en bus et ça a fait suffisamment pitié pour que je sois ajoutée au groupe). Normalement, la visite est assurée par le jardinier en chef, mais j’ai eu la chance de tomber sur une visite amicale, réalisée pour ses amis par l’arrière-petit-fils de Guillaume Mallet (il est aujourd’hui gérant, mais la propriété ne se trouve plus dans la famille). Nous y sommes restés 2 heures au lieu d’1h15, c’était formidable.

La semaine prochaine, nous serons bien bien en Normandie normande !



jeudi 17 octobre 2024

Tous trois savaient pertinemment que le langage naturel de la réalité du monde est la catastrophe.

 


László Krasznahorkai, Petits travaux pour un palais, parution originale 2018, traduit du hongrois par Joëlle Dufeuilly, rentrée littéraire 2024 chez Cambourakis.

 

C’est un tout petit livre, un monologue qui se lit d’une traite et qui a été écrit de même, rédigé par un certain Herman Melvill, qui n’a rien à voir avec qui-sous-savez. Dans cette longue logorrhée, le narrateur se dit bibliothécaire, mais bibliothécaire ne supportant pas les lecteurs, ces gens qui viennent déranger les livres. Il parcourt aussi régulièrement les rues de New York, sur les pas de Melville (le vrai), mais aussi – pourquoi pas – de Malcolm Lowry et de l’architecte Lebbeus Woods. Mais ce qu’il recherche est un lieu, un lieu où tous les livres pourraient être soigneusement enfermés.


Je n’ai rien à voir avec leur fameux écrivain, et pourtant on m’a enquiquiné toute ma vie avec ça, simplement parce qu’on porte le même nom et qu’on deux ou trois trucs en commun, c’est toujours la même chose, les gens adorent chercher à créer des liens de parenté, et il y arrivent toujours, qu’ils aillent au diable !

C’est le début.


C’est un livre très curieux et déstabilisant, où il ne passe pas grand-chose, mais que l’on parcourt en compagnie de ce désagréable conteur. Évidemment le récit est déceptif, on ne saura pas grand-chose sur Melville ou sur Lowry et on saura peu de chose sur cet étrange projet de bibliothèque.


… l’itinéraire de Lowry était, non seulement quand il était ivre mais également lorsqu’il était à jeun, difficile à deviner, c’est pourquoi je me suis seulement permis d’émettre de prudentes hypothèses, d’improviser quelques suppositions sur le chemin que Lowry avait emprunté pour rechercher Melville…


J’apprécie la façon dont, en quelques mots, Krasznahorkai réussit à camper son personnage minable et exaspéré, on croit presque l’avoir déjà croisé. Il me semble symptomatique de la ville de New York, gigantesque cité quadrillée rigoureusement, où l’on s’égare entre les immeubles de verre.

On suit le livre, en dépit du « mais où ça part ? » parce que le ton et le rythme s’accélère et que l’on craint que ce doux dingue soit passé à quelque chose, suivant la pente de son irréfutable logique.

Il y a l’évocation frappante d’un dessin de Woods intitulé Lower Manhattan, spectaculaire. Manhattan devient un rocher suspendu, objet d’utopie et de fantasme. Et il y a même Bartok qui arrive ici, à New York.

 

Boutet de Monvel, New York city, Musée des années 30 à Boulogne-Billancourt


…un stylo à la main, il se mettait en route, il n’effectuait aucun mouvement, hormis celui de lever son verre de temps à autre, il ne bougeait pas de la table, et pourtant il marchait, en pensée comme on dit, il sillonnait les rues de Manhattan, et réfléchissait, ses pensées parcouraient des structures, des tensions, des champs de force, des surfaces planes reliées les unes aux autres alternant avec des mouvements ondulatoires, il identifiait instantanément ce sur quoi il marchait lorsqu’il arpentait, en pensée et cependant en mouvement, les rues de Manhattan, lorsqu’il traversait Broadway…

 

…peut-être un an après ma première marche, je me suis mis à emprunter ces chemins avec la certitude de suivre les traces de Melville, de Lowry et de Woods, et aujourd’hui je peux affirmer que j’étais convaincu que la route de Melville, que j’avais établi pour moi-même, était celle où le génie de Melville, celui de Lowry et celui de Woods s’étaient exercés, et que je n’avais plus qu’à inscrire mes pas sur ce tracé pour attester que ces trois génies étaient bien passés là, et je me suis attelé à cette tâche avec le plus grand sérieux…

 

J’en profite pour découvrir Lebbeus Woods et pour raviver mon envie de (re)lire Lowry et Melville.

 

De Krasznahorkai j’ai également lu :

Guerre et guerre : la guerre qui marche sur les traces de quatre hommes, peut-être quatre anges
Le Baron Wenckheim est de retour : un excellent roman comme une symphonie

 

C’est évidemment une participation new-yorkaise au mois urbain Sous les pavés, les pages d’Ingannmic et Athalie.