La vraie vie, la vie enfin découverte et éclaircie, la seule vie par conséquent réellement vécue, c'est la littérature.



vendredi 23 novembre 2018

Aimer beaucoup, comme c’est aimer peu.

Guy de Maupassant, Notre cœur, 1889.

Voici Maupassant explorant la psyché de ses contemporains, à la façon de Balzac.
Le héros, Mariolle, un riche esthète un peu désabusé, s’éprend de la belle Michèle de Burne, une star des salons parisiens. Hélas, c’est une coquette, qui aime être aimée, mais est incapable de tendresse. Il restera le favori, elle sera sa maîtresse, mais l’amour sera sec.
Un petit roman pour explorer les tréfonds du cœur de la haute société parisienne, au temps du roman réaliste. L’époque de l’amour passion est terminé, pour l’épanchement des cœurs, c’est bien fini aussi. Il y a même quelque chose de des Esseintes dans cette Michèle qui ne parvient jamais à s’attacher réellement à quelqu’un et qui met des fleurs artificielles dans sa toilette.
En dehors des salons parisiens, il y a deux décors remarquables : le Mont Saint-Michel et la forêt de Fontainebleau, comme si nos quasis amoureux cherchaient à retrouver les lieux des promenades romantiques, où le cœur battait à l’unisson de la nature. On joue à l’amour…
Il est vrai que le sujet est un peu mince. L’auteur emploie à plusieurs reprises la métaphore des drogues pour caractériser ces tempéraments modernes, blasés sans avoir vécu, aux sens affaiblis. Les brillants développements sur les émois des deux héros sont un peu gâchés par les considérations sur la nature respective de l’homme et de la femme, ça c’est un peu ringard. Mais Maupassant nous livre là une belle description de l’amour passionné chez un homme. C’est un beau portrait d’amoureux, rédigé par ce brillant cynique !

Il la contemplait, lui, avec des yeux qui la dévoraient. Il avait envie de tomber à ses pieds, de s’y rouler, de mordre sa robe, de crier quelque chose, et surtout de lui faire voir ce qu’il ne savait pas dire, ce qui était en lui des talons à la tête, dans son corps comme dans son âme, inexprimablement douloureux parce qu’il ne le pouvait montrer, son amour, son terrible et délicieux amour.

Moreau, Ébauche peut-être pour Salomé, musée Gustave Moreau.


8 commentaires:

Dominique a dit…

un roman de Maupassant que je n'ai jamais lu, il en a écrit plusieurs qui ne sont pas parmi les plus connus mais qui tentent bien, bonne idée que tu as là de nous les faire découvrir

nathalie a dit…

Ayant fini ma relecture de Marcel, j'attaque en effet sérieusement Maupassant ! Il y a des tas de recueils de nouvelles (entre lesquels je me mélange) et quelques romans (je te conseille Fort comme la mort et Mont-Oriol, dans les peu connus).

Cleanthe a dit…

Je suis en train de lire Mont-Oriol. Et celui-ci est sur ma liste ensuite.

nathalie a dit…

J'avais beaucoup aimé Mont-Oriol. Un roman très habile.

Lili a dit…

J'avais pas mal lu au sujet de ce roman au moment de ma lecture de "Fort comme la mort" que j'avais beaucoup aimé. Je suis bien tentée. Maupassant est un excellent lecteur des cœurs humains.

claudialucia a dit…

Je ne connais pas celui-ci ? Quel est ton prochain titre de Laupassant, si je ne l'ai pas lu, je ferai bien une Lc avec toi. En ce moment, je n'ai envie que de classiques !

nathalie a dit…

Oui c'est un très fin analyste, qui a la capacité de raconter des expériences qui peuvent paraître éloignées de son propre vécu (comme le viol conjugal, ou les joies du mariage). Quelqu'un de très fort.

nathalie a dit…

Je pense que ce sera un recueil de nouvelles, mais je ne sais pas encore lequel. J'ouvrirai la liseuse pendant les vacances de Noël.