Lise Tremblay, La Héronnière, parution originale en 2003, édité en France par Actes Sud.
Ce court volume de nouvelles nous emmène dans un village paumé et déshérité du Québec. Un homme raconte comment sa femme l’a quitté. D’ailleurs les femmes et les enfants ont tendance à partir et à s’arracher de ce coin boueux. Certains récits sont menés du point de vue d’individus pas tout à fait du coin, qui se sentent en décalage.
Tremblay peint un monde en perdition. Les habitants ont quitté le village, surtout les jeunes, qui étudient en ville. Un peu d’animation en été quand les « étrangers » (= les gens de Montréal) viennent ouvrir leurs grandes et belles demeures, où les locaux ne sont que des domestiques, et en automne quand ces mêmes riches urbains viennent tirer le caribou et picoler. Les femmes s’ennuient, font des petits boulots pour s’occuper et s’en vont. Pas de place pour elles dans ce monde rétracté, en proie aux préjugés ringards et aux ragots. Les gens qui lisent sont rares, ceux qui aiment les oiseaux vivants aussi – ils ne représentent qu’une manne financière, celle du tourisme.
Jackson, L'hiver Québec, 1926, musée d'Ottawa |
J’ai été immédiatement séduite par la dureté de l’écriture (hem…), qui essaie de restituer le paysage mental de ses habitants, leurs contradictions, leurs difficultés à les exprimer et leur sentiment de solitude dans le monde contemporain qui leur est hostile. Je rapprocherais volontiers Tremblay d’Annie Ernaux, non pour l’écriture, très différente, mais pour le projet de représenter un monde à côté du nôtre. Du fait de la proximité de lecture, difficile aussi de ne pas penser à Louise Penny et à ses récits de meurtres dans un petit village, mais où l’inspecteur à visage humain trouve la solution. Ici le meurtre a lieu dans la boue et personne ne dit rien à la police, qui finira par trouver le coupable deux ans plus tard, presque par hasard.
Un monde très noir, raconté dans une économie de mots.
Quand je l’ai revue, la première fois, je ne l’ai pas reconnue. C’est drôle parce qu’elle n’a pas changé, en tout cas, pas physiquement. Après, j’ai pensé qu’elle ressemblait aux touristes. Elle leur ressemble dans la manière de se comporter. On ne sait pas trop si c’est de l’arrogance ou bien de la gêne. J’essaie de ne pas y penser. Je passe plus de temps au club de chasse. Je nourris les dindes sauvages même l’hiver. Le soir, je roule dans mon camion en écoutant Johnny Cash.
L’avis d’Anne.
Les autrices sur ce blog.
une auteure que je n'ai pas encore découverte, mais je pense que ça me plairait!
RépondreSupprimerMa première lecture, mais pas la dernière !
SupprimerÇa ne passerait pas mieux en roman selon ta critique?
RépondreSupprimerAh non. Là nous avons quelques aperçus dispersés, mais qui tournent tous autour du même village, et ça marche très bien, je trouve.
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