La vraie vie, la vie enfin découverte et éclaircie, la seule vie par conséquent réellement vécue, c'est la littérature.



vendredi 9 novembre 2018

Ô niais illustre ! Ne vois-tu pas que je t’aime follement ?

Honoré de Balzac, Les Secrets de la princesse de Cadignan, 1839.

Nous sommes après 1830. La princesse de Cadignan est ruinée et son mari est en exil, aux côtés de Charles X. Autrefois elle régnait sur les salons parisiens et avait de jeunes et beaux amants, elle vit à présent retirée dans un modeste appartement. La jeunesse est partie (genre... elle a 36 ans) mais elle regrette de ne pas avoir connu le véritable amour. Jusqu’à ce qu’elle rencontre d’Arthez, un des grands hommes de la Comédie humaine.

Depuis que, de jolie, de belle femme, la princesse était passée femme spirituelle en attendant qu’elle passât tout à fait, elle avait fait d’une réception chez elle un honneur suprême qui distinguait prodigieusement la personne favorisée.

Balzac fait preuve de cruauté envers son personnage mais avec beaucoup d’esprit.La princesse apparaît comme une séductrice quasi professionnelle, mais loin de la condamner, l’auteur se place du côté de d’Arthez, profondément amoureux, à la fois pris à l’illusion et conscient de la réalité des choses. Cette princesse et son amoureux sont simplement plus grands que les contraintes sociales étriquées de leur temps – et on dit bravo !
Cette nouvelle d’une cinquantaine de pages se lit très agréablement. C’est un beau portrait de femme et d’homme, ainsi qu’un long hymne à l’amour. Il m’a semblé cependant que Balzac disait trop de choses : dans son désir de mettre en avant toute l’intelligence de la princesse, il souligne la moindre de ses ruses. J’aurais préféré plus d’ambiguïté.

Ce caquetage fut sifflé d’une voix si doucement moqueuse, si mignonne, avec des mouvements de tête si coquets, que d’Arthez, à qui ce genre de femme était totalement inconnu, restait exactement comme la perdrix charmée par le chien de chasse.
L. Guglielmi, Femme voilée, 1850-80 Nice BA.



8 commentaires:

keisha a dit…

Ouais, passé trente ans, la femme n'est plus sur le marché... ^_^
Claudia Lucia et son billet sur Le lys dans la vallée m'a donné envie de le lire (avec un autre regard)

nathalie a dit…

C'est très bien le Lys ! Ici nous sommes sur une nouvelle de 50 pages, bien fichue, mais ça n'a pas la même ampleur.

Cleanthe a dit…

J'aime bien les nouvelles de Balzac en général. Mais celle-ci je ne l'ai pas encore lue.

nathalie a dit…

Ah il y en a tant de ces petites choses, le risque est grand de passer à côté !

miriam a dit…

j'ai lu l'Auberge Rouge à la suite de Claudialucia et mon billet est pour demain

nathalie a dit…

Oui c'est vrai qu'il y a des LC balzaciennes aussi.

claudialucia a dit…

Et quand viendras-tu nous rejoindre ?

"En attendant qu'elle passât tout à fait " : quelle cruauté ! Musset l'est tout autant pour la femme qui arrive à la trentaine : " et le reste pour prier Dieu !"

nathalie a dit…

Oui cette formule est saisissante, cruelle et brillante à la fois !

Pour vous rejoindre... je ne sais pas, je lis Balzac très régulièrement (tous les 2 mois en gros) et je compte bien finir la Comédie humaine en 2020 !