La vraie vie, la vie enfin découverte et éclaircie, la seule vie par conséquent réellement vécue, c'est la littérature.



mardi 11 décembre 2018

Ce que tu as à faire, fais-le vite.

Shûsaku Endô, Silence, parution originale 1966, traduit de l’anglais par Henriette Guez-Rolle – sérieux Denoël, ça vous trouerait le cul de faire traduire ce roman depuis le japonais ????

Au début du XVIIsiècle, des missionnaires portugais arrivent clandestinement au Japon pour continuer l’œuvre de propagation du christianisme et pour savoir ce qu’est devenu Christophe Ferreira, un missionnaire qui fait l’admiration de tous, mais qui aurait apostasié.

Je baptise les enfants et entends les confessions des adultes. Même sans prendre de répit, je n’arrive pas à les voir tous. Ils me font penser à une armée traversant un désert aride et parvenue à une oasis. C’est ainsi qu’ils viennent à moi, assoiffés et avides d’un rafraîchissement. La ferme croulante qui me sert de chapelle est si pleine que, pour me confesser leurs péchés, ils approchent leurs bouches de mon oreille en exhalant une puanteur qui me donne la nausée.

Un roman très intéressant qui nous plonge dans les aventures des missionnaires catholiques au Japon, au milieu des paysans misérables qui se cachent pour vivre leur foi, sont arrêtés et torturés, ont le choix entre l’apostasie et la mort. Le récit est mené du point de vue du père Rodrigues, jeune missionnaire plein d’espoir. Nous suivons toute son évolution psychologique et ses déchirements intimes : célébrer le martyre (du Christ, des chrétiens), mépriser ou plaindre les apostats, parcourir lentement les étapes de la trahison, de l’arrestation et de la mise à mort, réfléchir sur la douleur et le sacrifice… Ses évidences initiales s’étioleront peu à peu et ce sera également l’occasion pour lui d’approfondir sa perception de la figure christique. C’est un beau parcours humain.
L’écriture n’est pas terrible (j’ai relevé des phrases totalement bancales) mais difficile de décider à qui la faute. Toutefois, le récit est efficace et rend très bien, à mon sens, les déchirements intérieurs du personnage principal.

Ils furent martyrs. Mais quel martyre ! J’en ai lu bien des récits dans les vies des saints, et appris comment leurs âmes étaient retournées dans leur céleste demeure, comment ils avaient été accueillis dans la gloire tandis que les anges embouchaient leurs trompettes. Tel est le brillant martyre que je vois souvent en rêve, mais celui que je vous décris à présent n’eut rien d’aussi magnifique. Il fut misérable et douloureux. La pluie incessante tombe sur la mer. Et l’océan qui les a tués se soulève dans un surnaturel silence.
  
Kakugen, Japon fin XIXe siècle, Daruma, Great Victoria Art Gallery.
L’avis de Sandrine.

Merci Estelle pour la lecture !

4 commentaires:

Dominique a dit…

un livre que j'ai chroniqué il y a quelques mois ..euh ou années ça passe vite, je l'ai beaucoup aimé, je l'avais relu avant d'aller voir le film

nathalie a dit…

En effet il n'est pas récent mais le film lui a redonné de la lumière.

Lili a dit…

Je l'ai acheté au moment de la sortie du film. Ce n'était pas vraiment une envie d'achat réfléchie mais je l'ai trouvé d'occasion et j'ai sauté dessus. Le propos m'intéresse beaucoup. Par contre, autant j'avais entendu parler de certaines longueurs, autant je découvre grâce à ton préambule que le bouquin est traduit de l'anglais. WTF ?!

nathalie a dit…

C'est un peu long à démarrer. Je pense que certaines personnes ont pu trouver le temps long car le héros se répète sans cesse les mêmes interrogations (mais c'est le coeur même du drame donc pour moi, ça va).