La vraie vie, la vie enfin découverte et éclaircie, la seule vie par conséquent réellement vécue, c'est la littérature.



jeudi 25 avril 2019

C’était la Golden Door, la Porte d’Or.

Georges Perec, Ellis Island, texte original 1980, P.O.L.

Un tout petit livre. En compagnie de Robert Bober, Perec visite Ellis Island et nous raconte. Il y a les chiffres : les milliers et les millions de personnes passées en ce lieu, mais il faut prendre le temps d’individualiser chacune d’entre elles, de détailler les bateaux, les nationalités, les noms. Il y a les questionnaires et les enquêtes pour accepter ou refuser le nouvel arrivant. Il y a la visite du monument, des années plus tard, quand tout est fermé. Les salles aux murs couverts de céramique, les objets abandonnés, les anecdotes mille fois ressassées. Il y a surtout les visiteurs, ces Américains qui viennent voir par où sont passés leurs ancêtres.

En somme, Ellis Island ne sera rien d’autre qu’une usine à fabriquer des Américains, une usine à transformer des émigrants en immigrants, une usine à l’américaine, aussi rapide et efficace qu’une charcuterie de Chicago : à un bout de la chaîne, on met un Irlandais, un Juif d’Ukraine ou un Italien des Pouilles, à l’autre bout – après inspection des yeux, inspection des poches, vaccination, désinfection – il en sort un Américain.

Pour Perec, dont les parents étaient des juifs de Pologne, c’est un lieu particulier. D’autres juifs de Pologne sont passés par Ellis Island, la peur au ventre, désireux de vivre avant tout, et de vivre le rêve américain. Ici, être juif prend tout son sens, celui de l’errance et de l’espoir.
Un tout petit texte, poétique, aux mots soigneusement pesés.
 
NY. Les ponts. Photo Magali.
Comment reconnaître ce lieu ? 
Restituer ce qu’il fût ?
Comment lire ces traces ?
Comment aller au-delà, aller derrière
Ne pas nous arrêter à ce qui nous est donné à voir
Ne pas voir seulement ce que l’on savait d’avance que l’on verrait ?
Comment saisir ce qui n’est pas montré, ce qui n’a pas été photographié, archivé, restauré, mis en scène ?

Ce que moi, Georges Perec, je suis venu questionner ici, c’est l’errance, la dispersion, la diaspora. Ellis Island est pour moi le lieu même de l’exil, c’est-à-dire le lieu de l’absence de lieu, le non-lieu, le nulle part.

Il s’agit du texte que Perec a écrit pour un film que l'INA a commandé en 1978 à Perec et à Bober sur Ellis Island.

Billet sur ma visite d’Ellis Island. Billet sur la BD Là où vont nos pères de Shaun Tan.

Merci Magali pour la lecture !

6 commentaires:

Dominique a dit…

un petit livre que j'ai lu avec un immense intérêt et pour lequel j'avais fait un billet à l'époque
la visite d'Ellis Island reste un souvenir très fort pour moi

nathalie a dit…

Moi aussi, je ne pensais pas que c'était aussi impressionnant, même si j'en avais entendu parler.

keisha a dit…

Un Pérec que je ne connais pas!

miriam a dit…

Je vais chercher celui ci!et vite

nathalie a dit…

Moi non plus, mais on me l'a offert !

nathalie a dit…

Il est tout petit, il sera vite lu.