Elizabeth von Arnim, Vera, traduit de l’anglais par Bernard Delvaille, publication originale 1921, édité en France chez 10/18.
Le père de Lucy vient de mourir et elle se retrouve étrangement seule et dépourvue devant la vie. Quand soudain surgit un homme sur le chemin, qui vient de perdre sa femme, et qui lui propose de partager leur chagrin. Peu à peu, ils en viennent à s’aimer et ils se marient, malgré l’effroi de tout l’entourage de la jeune femme.
L’effroi ? Car Everard a vingt ans de plus que Lucy, que sa femme est morte dans des circonstances étranges et scandaleuses, qu’il a une opinion simple sur tout et est très satisfait de lui. Car elle est une toute jeune femme dans une société où elles sont si faciles à broyer.
Elle n’avait jamais songé à savoir qui il était, et encore moins à le lui demander. Elle s’était contentée, parfaitement heureuse, d’appuyer sa tête sur sa poitrine.
- Oui, qui est-ce ? Mis à part qu’il est veuf, fit Miss Entwhistle. Cela, nous le savons, mais ce n’est quand même pas un métier !
- Je… je crois que je n’en sais rien, répondit Lucy, assez niaisement.
Cela a un petit air de Rebecca bien sûr et le lecteur se prend à guetter les points de convergence. Il n’y en a guère en réalité, à part cette personnalité trouble du mari et une maison pleine de menaces. Le point de vue du récit alterne entre celui de Lucy, de sa tante et d’Everard, ce qui permet au lecteur d’approcher les différents personnages. Elle est amoureuse et est aveugle à tout ce qui est négatif, la tante est impuissante et lui ne pense qu’à lui. Cette alternance est assez habile et nous plonge au cœur du malaise. Nous voyons le piège se refermer inexorablement sur Lucy sans rien pouvoir y faire.
Le récit est également servi par une grande ironie, très anglaise, à l’égard de tous les personnages et de leurs préjugés. Cette ironie s’applique également aux grands romans sentimentaux où l’amour déboule sur un chemin dans les yeux d’un inconnu (en réalité, non !).
Le seul bémol que j’ai ne remet pas en cause la réussite du roman, bien au contraire, mais j’ai trouvé que c’était une œuvre si triste ! Je n’ai aucune envie, moi, de m’enfermer avec Everard. Nous sommes dans un huis-clos. Le mariage est ici raconté comme le récit d’une prédation et d’un emprisonnement physique et mental, surtout mental et affectif, et c’est bien déprimant. Le roman manque sans doute d’effets de surprise, en étant déterminé par sa fin, et j’ai passé plusieurs pages dans la deuxième partie.
Il y eut un petit moment de gêne, lorsque Miss Entwhistle, les larmes aux yeux (elle dégustait le blanc-manger, dernier plat d’une série froide et décolorée grâce à laquelle la cuisinière, d’origine celte, avait pensé manifester sa respectueuse compassion)…
Ce genre de détail surréaliste fait toute la réussite du livre.
Mais elle ne pouvait se faire à l’idée de savoir Wemyss tout à côté… Pardon… Everard. Sa manière de faire la cour ne devait pas être… – elle chercha un mot, l’esprit un peu confus – oui, ne devait pas être vé-gé-ta-ri-en-ne. Ce mot exprimait bien sa pensée : cela n’était sûrement pas végétarien.
De la même, j'ai aussi lu Elizabeth et son jardin allemand.
Une romancière.
Un des romans les plus glaçants que j'aie jamais lus... 20; 30 ans? après, je m'en souviens encore...
RépondreSupprimerC'est exactement pour cela que j'ai eu du mal à le lire, c'est tellement oppressant, un piège inéluctable...
Supprimerchez cette auteure on saute sans arrêt du grotesque au poétique et du noir au rose j'aime énormément et je crois n'avoir jamais lu celui là ! chic
RépondreSupprimerJe n'en ai lu que deux, mais effectivement, ils n'ont aucun rapport entre eux ! C'est intriguant.
SupprimerMême si j'imagine que ce n'est pas un livre à lire quand on est un peu déprimé, tu me donnes envie de tester...
RépondreSupprimerAh oui en effet, ce n'est pas très joyeux. Mais Von Arnim gagne à être connue.
SupprimerCela fait un peu peur?
RépondreSupprimerOui d’une certaine manière, parce qu’on tremble pour cette pauvre Lucy.
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