La vraie vie, la vie enfin découverte et éclaircie, la seule vie par conséquent réellement vécue, c'est la littérature.



jeudi 11 avril 2019

S’il y a une chose dont je fais vanité, c’est de savoir bien parler.

Jane Austen, Lady Susan, traduit de l’anglais par Johanna Blayac, écrit vers 1795, 1eédition 1871, ici c’est l’édition de Tristram.

Un très court roman épistolaire. Au début, on ne comprend pas bien qui est cette Lady Susan qui s’installe pour quelques semaines chez les Vernon, au grand dam de Mrs Vernon. Ce serait une « coquette » ? Mais chez une autrice aussi conservatrice qu’Austen, cela veut-il dire qu’elle a des amants, qu’elle flirte un peu trop ouvertement ou que cette très belle veuve est décidée à ne pas suivre strictement l’étiquette, à ne pas choisir un nouveau mari/protecteur immédiatement et à s’amuser un peu trop ouvertement ? Or voici qu’un jeune homme tombe amoureux d’elle au point de vouloir l’épouser – alors qu’elle a 11 ans de plus que lui et qu’elle semble bien plus « expérimentée » ! Mais quelle horreur ! Alors même que sa sœur lui propose une demoiselle de 10 ans de moins que lui, douce et timide… 

Quelle Femme ce doit être ! Il me tarde de la voir, et j’accepte bien entendu votre aimable invitation afin de me faire une idée de ces pouvoirs ensorceleurs si efficaces.

Bien sûr, ce premier roman, d’ailleurs inachevé, n’est pas à l’égal des chefs d’œuvre de Jane Austen. Il y manque notamment toute l’ironie et l’humour dont elle est capable. De plus, le genre épistolaire la freine pour pouvoir camper en longueur les personnages et les caractères, alors que c’est ce qui fait la force de ses romans. Toutefois, on est tout de même dans quelque chose de tout à fait réussi. L’atout du texte est qu’il est difficile de se faire une opinion ferme sur Lady Susan, opportuniste assurément, et assez hypocrite, voire franchement manipulatrice, mais qui essaie de se débrouiller dans une société hostile aux femmes libres. Elle n’a d’ailleurs rien de sympathique. Je me demande si l’échec du roman ne provient pas finalement du fait qu’Austen a créé une héroïne réussie, mais si contraire à ses propres valeurs, qu’elle n’avait pas trop moyen de s’en sortir, d’un point de vue strictement romanesque (faire une fin morale ⇒roman nul ; une fin à la gloire de Lady Susan ⇒oh my god).

T. Roussel, Femme lisant, 1886, Tate Britain.
Whit Stillman, Amour et Amitié. Où la fascination Lady Susan Vernon est entièrement blanchie des accusations calomnieuses de Jane Austen, traduit de l’anglais par Johanna Blayac, parution originale 2016, édité en France par Tristram.

Tout est dans le titre ! Ici un neveu à moitié corse de Lady Susan va nous raconter l’histoire telle qu’elle s’est vraiment passée – au lieu de suivre les calomnies d’une certaine « vieille demoiselle auteure », ainsi qu’est désignée Jane Austen, une ringarde pas drôle qui ne connaissait rien à l’amour.
Ce roman cite très largement celui d’Austen (d’où l’intérêt de les lire d’après la même traduction), mais en réinterprétant dans un autre sens (ou en montrant comment Austen a travesti la vérité, à vous de choisir). C’est ainsi que des motifs sont repris et montés en épingle (la bizarre comparaison de Sir James avec le roi Salomon ou les talents vocaux de la fille de Lady Susan). Aucun personnage n’échappe réellement au ridicule, y compris le narrateur et il est très divertissant de voir comment Stillman s’insère dans le texte d’origine pour nous dire bien d’autres choses.
Alors c’est une pochade sans prétention. Je me suis demandé à plusieurs reprises si la platitude de certains dialogues était réellement voulue ou maîtrisée, ou simplement destinée à moquer les personnages. Néanmoins, l’ensemble est très plaisant, d’autant que tous les personnages secondaires ont été étoffés, notamment l’amie de l’héroïne, ce qui rend la chose plutôt agréable à lire.
Mention spéciale pour les petits pois.

Oui, il y a du Pierre Bayard là-dedans.

J’en ai fini pour le moment avec mon parcours autour de Jane Austen. Voici les liens vers tous les billets : 
Raison et sentiments
Persuasion
Emma
Mansfield Park
Orgueil et préjugés

10 commentaires:

Anonyme a dit…

Bonjour ! Pour Lady Susan, j'avoue qu'au début je me suis montrée déçue, mais au final, j'ai bien aimé cette histoire.
Syl.

nathalie a dit…

C'est une petite chose, un peu vide, mais quand on sait ce qu'elle fait par la suite..!

Dominique a dit…

ce n'est pas parfaitement abouti mais c'est malgré tout un plaisir et je crois que pour une fois la version audio l'emporte sur le papier car les petites imperfections sont gommées par les voix et c'est un vrai plaisir

nathalie a dit…

Ah oui le genre épistolaire, très vivant, doit bien se prêter à la lecture à haute voix ! D'ailleurs Stillman joue sur cet aspect en s'inspirant visiblement du théâtre.

keisha a dit…

J'ai abandonné le second, d'ailleurs.
Lady Susan, une oeuvre inachevée?
Au fait, il y a un film qui en a été tiré. J'ai aimé!!!

nathalie a dit…

Oui le Stillman est sympathique, mais un peu plat et systématique. Pour Lady Susan, je trouve que la fin épilogue montre bien l'échec du projet.

keisha a dit…

J'ai relu la fin, exact, rapide.

nathalie a dit…

Pour moi, c'est presque équivalent à un inachèvement. J'ai enregistré le film en fait, je vais pouvoir le regarder bientôt.

Lili a dit…

J'ai des envies de Jane Austen moi aussi en ce moment. D'ailleurs, je viens de me refaire les adaptations série + ciné d'Orgueil et préjugés. Je ne m'en lasse pas... J'ai les trois titres de l'auteure qu'il me reste à découvrir dans ma PAL mais j'ai tellement envie de retrouver Lizzie et Darcy d'abord que je me demande si je ne vais pas me lancer, enfin, dans le roman de P.D.James qui m'attend aussi depuis des lustres...

Nathalie a dit…

Je m’étais dit que je lirais le roman de P.D.James après avoir lu O&P. Si jamais il me tombe dans les mains... hop !