La vraie vie, la vie enfin découverte et éclaircie, la seule vie par conséquent réellement vécue, c'est la littérature.



vendredi 26 juillet 2019

Du fond lointain du couloir le miroir nous guettait.

Jorge Luis Borges, Fictions, traduit de l’espagnol par Paul Verdevoye, Nestor Ibarra et Roger Caillois, parution originale 1944, édité en France par Gallimard.

Deux ensembles de nouvelles sont réunis sous ce titre.
DansTlön Uqbar Orbis Tertius, les références bibliographiques s’accumulent autour d’une ville à l’existence… incertaine. On croise Pierre Ménard, auteur du Quichotte : un texte plein de malice, avec un soupçon de mauvaise foi, où le narrateur nous explique qu’il est tout de même bien plus audacieux d’écrire une épopée en espagnol archaïque quand on est un Français du XXsiècle que quand on est Cervantès. Il y a une loterie qui règle la vie et la mort dans une Babylone mythique. Il y a la fameuse bibliothèque de Babel, infinie, qui rassemble tous les livres. Une histoire dans un jardin anglais (ou chinois) qui n’est qu’un assassinat et une histoire d’espionnage. Des Argentins qui se défient au couteau. Et d’autres choses.

Parler, c’est tomber dans la tautologie.

L’ensemble a plutôt des teintes fantastiques. Plusieurs textes rappellent irrésistiblement George Perec (W et le souvenir d’enfance ou Le Voyage d’hiver) ou Calvino (Les Villes invisibles par exemple). Si l’on croit à la possibilité du plagiat par anticipation, on s’embrouille un peu pour savoir qui a influencé qui.
La plupart de ces textes ont été écrits pendant la Seconde guerre mondiale, ce qui n’est peut-être pas un hasard. Les jeux de masque, d’espionnage, le trouble des identités et les renversements de fortune étaient alors devenus le quotidien de la planète ainsi que les spéculations les plus extraordinaires.
Ces nouvelles n’ont pas, pour moi, le charme d’un bon gros roman, mais constituent un indéniable plaisir de lecture. Je me suis demandé à chaque fois où allait m’emmener l’auteur. À lire en picorant de soir en soir.
Je regrette quand même qu’aucune femme n’anime ces récits - un peu étriqués du coup.

À l’hôtel d’Adrogué, parmi les chèvrefeuilles débordants et dans le fond illusoire des miroirs, persiste quelque souvenir limité et décroissant d’herbert Ashe, ingénieur des Chemins de fer du Sud. Sa vie durant, il souffrit d’irréalité, comme tant d’Anglais ; mort, il n’est même plus le fantôme qu’il était déjà alors. Il était grand et dégoûté, sa barbe rectangulaire fatiguée avait été rousse.

M. Tansey, L'oeil innocent, 1981 Metropolitan.



2 commentaires:

Ingannmic, a dit…

Mon plaisir a été inégal à cette lecture, je suis restée hermétique à certains textes, trop abscons, et en ai vraiment apprécié d'autres (notamment ceux, je ne sais plus lesquels, qui m'ont rappelé Poe, par leur dimension à la fois policière et fantastique). Je me dis que c'est un recueil sans doute meilleur à la relecture, en prenant le temps de s'attarder sur un texte à la fois.

nathalie a dit…

Ah oui pour la référence à Poe, j'avais oublié. Je suis d'accord. Ce sont des petites mécaniques, mais certaines sont très froides et ne nous touchent pas vraiment.