La vraie vie, la vie enfin découverte et éclaircie, la seule vie par conséquent réellement vécue, c'est la littérature.



jeudi 1 août 2019

Je le roule dans la farine du moulin à paroles.

Éric Chevillard, Ronce-Rose, 2017, aux Éditions de Minuit.

Le récit est à la première personne, celle (suppose-t-on) d’une petite fille, Ronce-Rose, qui tient scrupuleusement son carnet. Elle vit avec Mâchefer, un homme à l’existence inhabituelle, dans une maison, avec des mésanges dans le jardin et des voisins dans la rue. Et puis un jour, Mâchefer ne revient pas. Équipée de son bon sens, d’un sandwich, de quelques vêtements et de son carnet, elle part à sa recherche.

Mais quand j’écris, j’ai l’impression de défricher un espace envahi de ronces et de roses où je vais pouvoir recommencer à vivre et même à courir si je veux.

Ce court roman est habité par deux axes, entre lesquels la tension augmente peu à peu. Nous avons tout d’abord le récit d’une enfant, avec un langage original, de l’humour et de l’impertinence, des phrases à rallonge, des incompréhensions manifestes, mais aussi avec la légèreté de ton d’un journal, des clins d’œil et l'imagination. Et puis le lecteur comprend peu à peu aussi qu’il se trouve dans un roman tragique et poignant et se demande bien ce qu’il pourra advenir de Ronse-Rose. On s’inquiète pour elle. Jusqu’à la dernière page.

Il a hoché lentement la tête, sans doute pour ne pas décoller les trois ou quatre cheveux qu’il avait plaqués sur son crâne pour faire croire qu’il n’était pas chauve. Puis il est parti en se donnant une poignée de mains dans le dos et en la posant sur ses fesses. Les pigeons tout autour s’amusaient à l’imiter.

Un roman porté par une certaine grâce.
Ici encore Chevillard fait un usage brillant du langage. Il ne peut être le fait que d’un adulte bien sûr, mais il charme le lecteur et capte son attention. L’auteur fait preuve d’un amour illimité pour les mots et la langue française. La délicieuse liberté de jouer avec les substantifs et les verbes tout en nous racontant une histoire.

Anonyme flamand, XVIIe, Christ et pèlerins d'Emmaüs (détail), Nice BA.
Mâchefer, lui, il en déduit que j’ai des dispositions pour l’ornithologie. C’est un de ces mots que j’aime bien parce qu’ils ne veulent rien dire. Enfin si, je suppose qu’ils veulent dire quelque chose mais ils n’y arrivent pas. Il faut deviner. Ça tombe bien car je suis une fine mouche. C’est une expression. Les expressions, j’essaie toujours de les retenir pour m’en servir ensuite quand j’ai justement quelque chose à exprimer.

Chevillard sur le blog :
L'Auteur et moi 
Défense de Prosper Brouillon (un chef d'oeuvre d'humour, surtout si vous aimez la littérature)
L'Explosion de la tortue

Le billet de Keisha. Elle parle de fraîcheur et de poésie et elle a raison !
Une étape parmi mes lectures d’été.




4 commentaires:

Sandrine a dit…

Bon, il faut vraiment que je me mette à Chevillard, je vois bien que je perds quelque chose...

nathalie a dit…

Tu te sens cernée peut-être ? Je pense que Défense de Prosper te tend les bras !

keisha a dit…

Aaaaaaaah mais oui, se refaire un p'tit chevillard pour l'été!

Nathalie a dit…

Pour garder la forme et l’esprit vif !