La vraie vie, la vie enfin découverte et éclaircie, la seule vie par conséquent réellement vécue, c'est la littérature.



jeudi 26 septembre 2019

Des livres ouverts ; pas de conclusion ; et lui, obligé d’être là dans l’auditoire.

Virginia Woolf, Entre les actes, parution originale 1941, traduit de l’anglais par Charles Cestre.

Oui, je l’ai déjà lu. Oui, je relis sans cesse les romans de Woolf.
C’est son dernier roman et j’ai eu envie de le relire en écoutant la Grande traversée que France Culture a consacrée à Woolf cet été.
Dans une grande demeure à la campagne a lieu une représentation de théâtre amateur au profit de la paroisse. Nous suivons à la fois la représentation et tout ce qui se passe entre les actes, avant, pendant et après. Il y a notamment Isa, mère de famille, qui aime et déteste son mari volage et qui suit des pensées mélancoliques, la belle Mrs Manresa, le vieux Barth et son chien, un lévrier afghan, Miss La Trobe qui dirige les acteurs, de la musique et plein d’autres gens. Et nous sommes à l’été 1939.

Il dit (sans paroles) : « Je suis terriblement malheureux. »
« Moi aussi », dit Dodge, faisant écho.
« Moi aussi », pense Isa.
Ils se considèrent comme des prisonniers, des encagés, condamnés à assister à ce spectacle. Il ne se passe rien. Le tic-tac de la machine est affolant.

C’est un roman qui m’était apparu compliqué à la première lecture, mais beaucoup plus simple cette fois-ci. Compliqué, car il est littéralement truffé de citations et d’allusions à la littérature de langue anglaise, à des poèmes, à des comptines, à l’histoire du pays. C’est so british. Et pourtant, ce n’est pas si complexe, car je me suis concentrée cette fois-ci sur ce qui se passe entre les actes et sur les émotions des personnages. Elle est naturelle, il est séduisant, il préfère les hommes, elle vit avec une femme, ils vieillissent, ils sont fatigués et angoissés sans savoir pourquoi. Un climat d’inquiétude et d’instabilité plane sur le roman : nous sommes en 1939, mais le texte a été écrit en 1941, à un moment où l’Angleterre apparaît comme un îlot fragile, prêt à être submergé par la sauvagerie. Le temps d’une pièce de théâtre, nous sommes pourtant plongés dans l’Angleterre éternelle et rêvée.

Il pose le journal et ils regardent tous le ciel pour voir si le ciel obéit au météorologue. Sans aucun doute le temps est variable. Le jardin est tantôt vert, tantôt gris. Le soleil se montre – et une extase de joie infinie se répand, embrasant toutes les fleurs, toutes les feuilles. Puis, par compassion, il se retire, se cachant le visage, comme pour s’abstenir de regarder la souffrance humaine.
Oui, la météo aussi, est typiquement anglaise.

J. Dean, Céramique, Vaches et ferme, 1899, V&A.
L’important est aussi dans ce qui n’est ni montré ni dit et tout se passe comme si ce que nous lisions n’était que le prélude au cœur du sujet, à la conversation qu’Isa et son mari vont avoir, une fois le soir venu.
Le caractère fragmentaire de la personnalité humaine, ainsi que de la société qui se disperse et se dissout.

Mrs Haines n’ignorait pas l’émotion qui les enveloppait, l’excluant, elle. Elle attendait, comme à l’église on attend que les dernières vibrations de l’orgue soient tombées, avant de sortir. Dans l’auto qui allait les reconduire chez eux, à la villa rouge au milieu des champs de blé, elle détruirait cette émotion, comme une grive arrache à coups de bec les ailes d’un papillon.

Mon premier billet. J’écrivais en 2013 que mon exemplaire était tout corné. Je crois qu’il part à présent en morceaux. 

Virginia Woolf sur le blog :

4 commentaires:

Dominique a dit…

j'ai fait comme toi et podcasté la Grande traversée cet été
mais j'ai un avantage sur toi, enfin si l'on peut dire, je n'ai jamais lu Entre les actes, ni les Vagues ni Orlando, en fait je relis toujours les mêmes :-( bon il va falloir que j'évolue un peu

nathalie a dit…

Nos lectures doivent être complémentaires alors ! Moi aussi j'ai tendance à relire les mêmes, d'ailleurs il faut que je me retienne pour ne pas relire pour la... 4e fois ? Mrs Dalloway. J'en ai encore plusieurs sur l'étagère que je n'ai pas ouverts.

keisha a dit…

A part Nuit et jour (mais je l'aurai , un jour) j'ai lu tous ceux là, Entre les actes est u n de mes préférés

nathalie a dit…

Pas le plus connu, mais tellement attachant je trouve !