La vraie vie, la vie enfin découverte et éclaircie, la seule vie par conséquent réellement vécue, c'est la littérature.



vendredi 18 octobre 2019

J’étais entier, je ne comprenais pas.

Italo Calvino, Le Vicomte pourfendu, traduction de l’italien par Juliette Bertrand revue par Mario Fusco, parution originale 1952.

Parti en guerre contre les Turcs, le vicomte Médard de Terralba est fendu en deux par un boulet de canon. Il n’y a qu’une moitié de lui qui revient à la guerre. Mais c’est la mauvaise… et elle fait régner la terreur dans la contrée. Jusqu’au jour où débarque l’autre moitié, la bonne.
Et comme dans Le Baron perché, c’est un enfant qui raconte.

Elle se prépara une robe blanche avec un voile et une longue traîne, et se fabriqua une couronne et une ceinture d’épis de lavande. Comme il lui restait encore quelques mètres de voile, elle fit une autre robe de mariée pour la chèvre et une aussi pour la cane, et elle courut dans le bois, suivie de ses bêtes, jusqu’à ce que son voile fût entièrement déchiré par les branches et jusqu’à ce que sa traîne ramassât toutes les aiguilles de pin et les bogues de châtaignes séchant dans les sentiers.

Nous avons affaire ici à une fable sur la complétude ou l’incomplétude de l’être humain. En effet, chaque moitié du vicomte prise à part sont à peu près aussi insupportables ou dénuée de raison l’une que l’autre. Il faut décidément que le mal et le bien soient réunis pour former un être humain à peu près normal, ni bon ni mauvais, mais qui fait la beauté de la vie. Avec tout cela il y a des propos contre l’absurdité de la guerre, des moqueries contre les religions, surtout contre les croyants trop arcboutés sur leur identité, contre la bêtise et l’ignorance et surtout beaucoup d’humour. Un médecin juché sur un tonneau, une belle bergère qui a pour confidentes une chèvre et une cane. Et beaucoup d’absurde, mais aussi de poésie dans ces fruits et ces fleurs coupés en deux par l’épée du vicomte (ah les pissenlits…. Je veux les mêmes !). Les poires, les champignons, les poulpes, bon les oiseaux aussi (oups).
GB Tiepolo, Tête de vieillard, XVIIIe, Vienne Albertina Museum.
Les portraits sont attachants. Chaque personnage semble avoir son petit grain, mais tout le monde se soumet à la moitié du vicomte. Un roman qui est loin d’être aussi développé que Le Baron perché.
Cet étrange prénom de Pamela est sans doute un clin d’œil au Pamela de Richardson, auteur préféré du bandit du BaronOn est bien dans un conte philosophique.

Le soir pour rentrer chez elle, elle traversa des prés remplis de pissenlits, dits également « dents-de-lion ». Et Paméla vit qu’ils avaient perdu leur aigrette d’un seul côté, comme si quelqu’un s’était étendu à terre pour souffler dessus d’un seul côté ou bien avec une demi-bouche. Paméla cueillit quelques-unes de ces demi-boules blanches, souffla dessus, et leur léger duvet s’envola bien loin. « Hélas, pauvre de moi, pensa-t-elle, il me veut vraiment. Comment cela finira-t-il ? »

Calvino sur le blog :

Une étape de mon programme de lecture d’été, mais vu les températures, je peux encore publier le billet, l'automne n'est pas encore arrivé.

4 commentaires:

  1. Calvino Buzzati, même combat, je dois m'y remettre!

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    1. C'est pas le même genre, mais pour Calvino, je n'ai presque rien lu encore pour le moment !

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  2. Je te recommande Si par une nuit d'hiver...

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    1. Lu deux fois, il y a d'ailleurs un billet ! Mais il a beaucoup écrit Calvino.

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