La vraie vie, la vie enfin découverte et éclaircie, la seule vie par conséquent réellement vécue, c'est la littérature.



jeudi 28 novembre 2019

Elle tient à afficher la bienséance, à poser pour la valeur authentique.

Henry James, Le Banc de la désolation et autres nouvelles, traduit de l’anglais par Louise Servicen, recueil composite publié chez Folio.

La Chose authentique, 1892. Une nouvelle qui permet de réfléchir sur l’art et son rapport à la réalité et à la fiction. Un peintre embauche en effet comme modèle un couple ayant un chic authentique, mais se rend compte que l’homme et la femme sont inaptes à lui servir de modèle – alors qu’une grisette et un saltimbanque jouent à merveille les princes russes.
Owen Wingrave, 1892. Une histoire dramatique d’un fils de famille qui rejette la guerre et la carrière militaire, mais qui doit prouver qu’il n’est pas un lâche. Avec une étonnante apparition du surnaturel dans un drame familial sordide. L’atmosphère est sinistre, campée dans une famille respectable anglaise. C’est une jolie critique de cette société ankylosée.
La Vraie chose à faire, 1899. Un jeune journaliste chargé d’écrire la biographie d’un écrivain décédé. Là encore, le surnaturel pointe son nez pour souligner les zones d’ombre d’un couple.
L’Arbre de la connaissance, 1900. Une histoire d’artiste raté.
La Note du temps, 1900. Cette nouvelle m’a bien plu : une femme commande le portrait d’un bel inconnu, pour l’accrocher dans son salon et faire croire qu’elle a été mariée. Une belle histoire de peinture et de passion.
Le Gant de velours, 1909. Ici, le héros est un écrivain en voie d’ascension et de reconnaissance, mais l’écriture m’a paru excessivement alambiquée.
Le Banc de la désolation, 1910. Un homme se voit contraint d’indemniser une femme à qui il avait promis le mariage. Sa vie se trouve ainsi ruinée, « mais un jour… »
(les recueils de nouvelles, ce n'est jamais pratique)

Il peignait mal lui-même mais n’avait pas son pareil pour mettre le doigt sur le point vulnérable. Absent d’Angleterre depuis un an, il avait été je ne sais où, pour se faire « un œil neuf ». Un organe visuel de ce genre ne laissait pas de m’inspirer une vive inquiétude, mais nous étions de vieux amis, son absence durait depuis des mois et le sentiment d’un vide envahissait lentement ma vie.

Des histoires de transaction financière, sordides et réalistes. On échange, on s’engage, on est redevable, quelquefois pour toute une vie.
Ce sont aussi des histoires d’artistes. Le rôle de Paris comme le lieu de la maturité pour les apprentis artistes : ils découvrent la réalité du travail artistique, le succès, mais aussi les petites compromissions de la vie mondaine.
J’avoue avoir eu du mal à lire certaines d’entre elles (la dernière notamment), en raison de leur style, trop entortillé à mon goût. J’ai souvent le sentiment que l’auteur complique à loisir ou fait croire à une sensibilité subtile et rare alors que tous ces êtres humains sont assez simples. Le préfacier du volume Folio, J.-B. Pontalis, cite Maupassant, comparant les deux auteurs, qui, il est vrai, traitent de sujets assez proches. On sent bien que Maupassant aurait fait de ces récits des petites choses cruelles et ciselées ! James fait aussi dans le cruel, mais il orne beaucoup plus. Les récits où le souvenir des morts est présent m’ont semblé les plus réussis. Peut-être que cette veine me semble plus en adéquation avec son écriture ? Ceci dit, il faut reconnaître que cette allure compliquée va à merveille aux récits où le narrateur est plongé dans les illusions et comprend tout de travers. C’était d’ailleurs la grande réussite du Tour d’écrou.
 
L. Spencer, Jeune marié 1er jour de marché, 1854, Met.
Souvenir de deux autres nouvelles James, lues récemment, non chroniquées.
L’Élève, 1891. Une famille cynique, un précepteur et un élève sensible. Une atmosphère de mystère enveloppe et voile une réalité toute simple (une sorte de récit miroir du Tour d’écrou ou une variation sur les nombreux romans de précepteur et de gouvernante produits par l’Angleterre).
L’Autel des morts, 1895. Un homme et une femme rapprochés par le souvenir de deux morts et par le culte rendu à leur mémoire. Une très belle histoire.

L’extraordinaire est qu’il fut non seulement triste, mais au plus haut degré troublé de ne plus sentir la présence de Doyne. Pour étrange que fût cette présence, son absence, par on ne sait quel mystère, semblait plus étrange encore, au point que les nerfs de Withermore en furent affectés, assez illogiquement. Ils s’étaient adaptés avec facilité à un ordre de chose inexplicable, réservant perfidement leur réaction la plus aiguë pour accueillir le retour à la norme, l’abolition de l’illusion.

Henry James sur le blog :

4 commentaires:

Dominique a dit…

j'aime beaucoup h James mais je préfère le romancier sauf pour quelques nouvelles hyper connues et excellentes

keisha a dit…

Tiens oui, lire James à nouveau (mais là je sors de chez Forster)

nathalie a dit…

Moi aussi. Il y a quelques textes réussis mais la longueur lui réussit mieux.

nathalie a dit…

Chacun son tour, il y aura de la place pour tout le monde !