La vraie vie, la vie enfin découverte et éclaircie, la seule vie par conséquent réellement vécue, c'est la littérature.



mardi 12 novembre 2019

Le plan le plus fou de toute l’histoire contemporaine de la castration.

Edgar Hilsenrath, Orgasme à Moscou, traduit de l’allemand par Jörg Stickan et Sacha Zilberfarb, parution originale 1979, édité en France au Tripode.

Un Hilsenrath plus léger que d’habitude.
La lecture du prologue suffirait à résumer le roman, mais en gros : la fille unique chérie du plus grand parrain de la mafia américaine revient de Russie enceinte et ayant découvert l’orgasme. Il faut donc absolument aller lui chercher son Sergeï. Qu’à cela ne tienne, la mafia va faire appel à un passeur (on est en pleine Guerre froide) : S. K. Lopp. (merci de prononcer son nom à haute voix).

C’est Moscou le déclic ! Une expérience psychique ! Unique ! Tu ne piges pas ? C’est pourtant simple : une capitaliste américaine découvre la petite mère Russie ! Moscou ! La petite mère Russie d’hier et d’aujourd’hui ! En chair et en os ! Par le truchement de la queue du dissident Sergueï Mandelbaum ! C’est le séisme ! L’explosion ! L’orgasme !

Voilà, c’est du grand n’importe quoi et c’est drôle. Jeu de mots, références débiles à James Bond, portraits peu flatteurs des dirigeants de ce monde, vision décapante des terroristes, ricanement à l’encontre de l’État d’Israël, tout y passe. Et beaucoup de sexe et quelques orgasmes féminins heureusement. 

Nino Peppperoni porte un cache-œil noir (sa femme Clara Pepperoni lui ayant par mégarde crevé l’œil gauche). Il ressemble vaguement à Moshe Dayan, le ministre israélien de la Défense – simple illusion d’optique due à ce cache-œil noir.

Alors bien sûr, le roman n’a ni la portée ni la profondeur des autres titres d’Hilsenrath, mais n’empêche que tout le monde n’est pas capable de réussir ce genre de livre ni de manier l’humour avec autant de brio. De plus, on retrouve les dialogues typiques d’Hilsenrath, ces échanges de phrases rapides, avec beaucoup de répétitions, qui sont fort drôles.
Un roman plutôt corrosif et jouissif, une pochade, comme un entracte entre deux poids lourds.
Je vous recommande le passage sur la sexualité des éditeurs, auteurs et traducteurs.
 
B. Tatiana Bruni, Étude de costume pour un ballet, 1931,
Saint-Pétersbourg Musée d'État du théâtre et de la musique
- Orgamse ? Kezako ?
- Je ne sais pas exactement. Des frissons glacés qui vous brûlent.
- Je ne comprends rien.
- Moi non plus. Mais c’est ainsi. Une sensation étrange.
- Une sensation comment ?
- Comme un millier de bougies allumées qui vous pénètrent. La chair se consume, et en même temps s’anime. Mort et résurrection. Après, on reste là, plein de béatitude.
- Un millier de bougies allumées, dit Nino Pepperoni, secouant la tête. Tu veux dire qu’il a la queue sacrée ?

Hilsenrath sur le blog :

Merci Ysabel pour la lecture.

4 commentaires:

Ingannmic, a dit…

Je n'ai pas du tout aimé ce titre, que j'ai trouvé grossier sans être drôle. Et tu sais que tu participer, avec ce billet, aux "feuilles allemandes" d'Eva et Patrice ? : https://evabouquine.wordpress.com/2019/10/18/les-feuilles-allemandes-2019/

nathalie a dit…

Je n'avais aucune idée de l'existence de ces feuilles !
Je reconnais que cela manque de subtilité, mais j'avoue que certains passages m'ont fait rire. C'est une grosse pochade.

claudialucia a dit…

Je suppose que c'est la démesure,la grosse farce qui le sauve de la vulgarité, non ?

nathalie a dit…

Oui c'est un auteur très bon dans le n'importe quoi, ce n'est pas permis à tout le monde. Ceci dit, certains passages sont un peu lourds.