La vraie vie, la vie enfin découverte et éclaircie, la seule vie par conséquent réellement vécue, c'est la littérature.



jeudi 12 décembre 2019

Du hachis un jour gris fait un repas exquis.

Richard Brautigan, Sucre de pastèque, traduit de l’américain par Marc Chénetier, parution originale 1964, édité en France par Christian Bourgois.

On se plonge dans cet univers barré ?
Le narrateur écrit un livre et vit dans un monde… différent. Il y a une rivière, des truites, des tombes dans la rivière, des ponts, une Usine à Oubli et du sucre de pastèque, un matériau étrange avec lequel on peut fabriquer plein de choses. Et chaque jour a une couleur différente. Il raconte ses amours avec Pauline, les pancakes au petit-déjeuner et les déboires survenus avec graBOUILLE. La tonalité douce et légère (et surréaliste) fait peu à peu place à de la tristesse (surréaliste aussi).

L’Usine à Oubli s’enfonce loin, loin, loin, loin, loin, loin, loin, loin, loin. Vous voyez le genre. C’est très grand, beaucoup plus grand que nous.

Étrange comme je trouve de charme à ce genre de récit, en apparence absurde et décousu. Je crois qu’il y a là quelque chose qui me détend avant de dormir. Dans La Pêche à la truite en Amérique, tout était pêche à la truite (il y a un petit côté Schtroumpf dans cet humour), ici, c’est le sucre de pastèque qui s’impose. Cela n’a pas forcément de sens, il y a un petit côté conte décalé et c’est assez délicieux.
J’ai même aimé l’humour de ces dialogues d’une fabuleuse platitude, notamment dans le chapitre « Un tas de bonne nuit ».
On peut même fabriquer de l’huile en mélangeant la truite et la pastèque !

J’ai entendu une truite sauter dans la rivière, une truite qui sautait tard. La truite a fait un bruit étroit de porte qui claque. Il y avait une statue tout à côté. La statue d’un haricot gigantesque. C’est ça, oui, un haricot.
Il y a longtemps de ça, quelqu’un aimait beaucoup les légumes, et il y a vingt ou trente statues de légumes disséminées ici et là dans le sucre de pastèque.

La nuit était fraîche et les étoiles étaient rouges. Je suis descendu du côté de la Manufacture de Pastèque. C’est là que nous transformons les pastèques en sucre. On extrait le jus des pastèques et on le fait réduire jusqu’à ce qu’il ne reste plus que du sucre et après ça on modèle le sucre pour lui donner la forme de cette chose qui nous appartient : nos vies.

Tapisserie, Bruges 1550 , V&A, détail.

4 commentaires:

Dominique a dit…

un auteur trop peu lu pour moi mais le retard est dur à rattraper

nathalie a dit…

C'est très spécial. Je pense qu'à certains moments on peut totalement l'envoyer balader et à d'autres se réjouir de lire un truc absurde et plein d'humour. Très dépendant des circonstances, mais ça a un certain charme.

Ingannmic, a dit…

Je n'ai lu que deux de ses titres, et j'avais été charmée aussi (Willard et ses trophées de bowling, et Mémoires sauvés du vent, peut-être un peu moins barré...). Les extraits que tu cites sont très poétiques.

nathalie a dit…

J'étais fortement sceptique en lisant La Truite et finalement... je vais peut-être continuer !