La vraie vie, la vie enfin découverte et éclaircie, la seule vie par conséquent réellement vécue, c'est la littérature.



mardi 26 mai 2020

Il savait attendre son heure avec une patience digne des temps primitifs.

Jack London, L’Appel de la forêt, parution originale 1903, traduit de l’américain en 1905 par Mme de Galard.

Le héros est un chien, Buck. Un grand chien kidnappé et vendu pour devenir chien de traîneau en Alaska – on est à l’époque de la ruée vers l’or. Au fur et à mesure du roman, Buck se décivilisera et retrouvera en lui les réflexes de la sauvagerie et de la liberté.
Mouais. Comme dans Croc-Blanc, nous suivons principalement le point de vue du chien. Je trouve que tout le passage d’apprentissage et de vie du chien de traîneau est bien rendu : rapport de forces entre les chiens, différence de personnalités, rapport avec l’être humain. Ce n’est pas évident et London s’en tire plutôt bien. Il y a aussi de belles évocations de la forêt.
Mais j’ai été agacée par la vision très « force brute virile » du roman – London n’aurait jamais cru possible qu’une meute soit menée par une vieille louve. Je lui reconnais sur ce sujet un point fort : la description des combats d’animaux tient la comparaison avec celle des combats de boxe ! C’est la même veine, tout à fait brillante. Mais ce délire fasciné sur la force physique… pffff. Rasoir.
Heureusement, il y a des passages d’une certaine grandeur et c’est bien beau de réussir à donner cette dignité à un chien.
Un monde cruel, plein de violence et de peur.

Quand l’aurore boréale brillait froide et calme au firmament, que les étoiles scintillaient avec la gelée, et que la terre demeurait engourdie et glacée sous son linceul de neige, ce chant morne, lugubre et modulé sur le ton mineur, avait quelque chose de puissamment suggestif, évocateur d’images et de rumeurs antiques. C’était la plainte immémoriale de la vie même, avec ses terreurs et ses mystères, son éternel labeur d’enfantement et sa perpétuelle angoisse de mort ; lamentation vieille comme le monde, gémissement de la terre à son berceau ; et Buck, en s’associant à cette plainte, en mêlant fraternellement sa voix aux sanglots de ces demi-fauves, Buck franchissait d’un bond le gouffre des siècles, revenait à ses aïeux, touchait à l’origine même des choses.

Gainsborough, Chien de chasse, Petworth House

Lecture commune approximative avec Claudia Lucia.
London sur le blog :

4 commentaires:

claudialucia a dit…

Un des livres très aimés de mon enfance ! Je n'aimerais pas être déçue si je le relis ! Les chiens de traîneaux sont des bêtes fauves qui sont prêts à bouffer leurs maîtres s'ils ont faim.Il faut de la force physique pour s'en sortir dans ces cas-là, d'où, peut-être, l'étonnement de J London sur la femme conductrice des traîneaux ? En général London est plutôt en avance dans sa vision des femmes, il ne les veut pas obligatoirement cantonner à leur cuisine, ce qui est déjà pas mal pour l'époque. La femme idéale,pour lui, c'est celle qui aime l'aventure, qui est endurante et allie l'intelligence au courage. En fait les mêmes qualités qu'il estime chez l'homme comme dans la fille des neiges. Par contre la célébration de la force virile, oui, c'est sûr, c'est récurrent. Mais ce qui m'ennuie encore plus, c'est que cette force ne soit pas seulement virile mais qu'elle soit le fait de la race anglo-saxonne tellement supérieure ! Merci pour ton billet; J'ajoute ton lien au challenge.


keisha a dit…

L'ai je lu? En complet?
(je constate que J Marias est dans les limbes ^_^)

nathalie a dit…

Je n'ai pas été claire. Il y a bien une femme dans le roman, mais je ne parle pas des humains, mais des animaux. London s'imagine qu'il faut être un loup grand, fort et viril pour mener une meute de loups, alors que non, il faut être une vieille louve - mais pour lui c'est inenvisageable.
Mon avis est assez nuancé quand même, mais il est très lourd dans son bla-bla pro blanc pro muscles.

nathalie a dit…

Tu l'as sûrement lu !