La vraie vie, la vie enfin découverte et éclaircie, la seule vie par conséquent réellement vécue, c'est la littérature.



mardi 19 mai 2020

L’homme le plus dangereux, c’est l’homme seul, parce qu’il ne sait même pas qui il est.

Agustín Martínez, Monteperdido, traduit de l’espagnol par Claude Bleton, parution originale 2015, édité en France par Actes Sud.

Dans un village paumé tout en haut des Pyrénées, deux petites filles disparaissent. Cinq ans plus tard, l’une des deux réapparaît. Et l’enquête (re)commence.

Le fil du temps était chaotique dans le récit qu’Ana faisait de sa séquestration. Enfermée pendant de longues périodes dans un sous-sol loin de toute lumière, soumise à une routine quotidienne, il était normal qu’elle ait du mal à établir une chronologie des années où elle avait été privée de liberté.

Voici un roman policier tout à fait réussi. Le village s’était installé dans l’habitude, pendant ces 5 années. Mais désormais tout est perturbé. Car les fillettes n’ont pas été emmenées au loin. Le ravisseur semble être du coin. De quoi se survient la survivante ? Acceptera-t-elle de tout raconter ? Ou choisira-t-elle de tout oublier, aux dépens de celle qui est encore captive ? Comment les policiers peuvent-ils interpréter ses maigres réponses ? Et comment concilier le bonheur d’une des deux familles avec le ressentiment de l’autre ? Surtout qu’en 5 ans, il s’en est passé des choses. Le cœur de ce roman est constitué par le rapport ambigu que les habitants du village entretiennent avec cette enquête et par les réactions diverses, contradictoires, inattendues face au retour de l’une des deux disparues. Paradoxalement, dans ce contexte la psychologie du ravisseur apparaît plus secondaire.
L’enquête est menée à la fois par des policiers nationaux spécialistes des enlèvements et des policiers locaux, impliqués étroitement dans le territoire, parfaitement conscients des contradictions dans lesquelles ils sont enfermés.
Et au-dessus de tout cela règnent les sommets enneigés menaçants qui enserrent le village.
Un roman policier avec beaucoup d’humanité.

À l’horizon, elle voyait le noyau urbain de Monteperdido. Des maisons noires, silencieuses, saupoudrées de petites lumières jaunâtres, maintenant que le soleil était couché. Sara eut l’impression que ces demeures étaient plutôt l’œuvre de la nature, comme les montagnes qui l’entouraient, œuvres de secousses sismiques et de siècles d’érosion.

En montagne, quand la lumière est vivante.


10 commentaires:

  1. Tiens, cela me rappelle l'intrigue de "Souviens-toi de moi comme ça", de Bret Anthony Johnston, que j'avais beaucoup aimé. Je retiens, donc !

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    1. Ah ce n'est pas si original alors ! Faudra que je zieute le titre que tu indiques.

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    2. Disons que le point de départ est le même : un jeune adolescent est retrouvé quatre ans après son enlèvement, il avait été séquestré à quelques kilomètres de chez lui. L'auteur tire prétexte de ce contexte pour analyser les rapports entre les membres de la famille, et ce que ce "trou" de quatre ans a de monstrueux, bien que personne n'en parle jamais. L'enquête policière n'a aucune importance (d'ailleurs, je ne me souviens plus vraiment de cet aspect, il me semble que le ravisseur est arrêté et condamné de suite...)

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    3. Je vois. Ici aussi l'identité du coupable est un peu nulle. Ce qui est intéressant c'est le rapport entre les 2 filles et entre les deux familles. C'est vraiment un point original.

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  2. Merci pour ta participation !
    Un roman que je note pour l'an prochain (je manque cruellement d'envie cette année)

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    1. Pas facile cette année pour se motiver, faut dire.

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  3. toc le voilà noté, j'aime bien les policiers européens qui nous sortent de nos frontières et des USA

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    1. Là, on est dans la montagne et il fait froid !

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  4. Connais pas, mais pourquoi pas?
    (je ris car tu lis La semaine sainte, en raccord avec les billets peinture?)

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    1. Oui, le titre fait croire que je suis en pleine Passion mais je crois que nous en sommes très loin !

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