Yôko Ogawa, Le Musée du silence, publication originale 2000, traduit du japonais par Rose-Marie Makino-Fayolle, édité en France par Actes Sud.
Le narrateur, muséographe, arrive dans un village pour se mettre au service d’une riche cliente, une vieille dame acariâtre, qui souhaite créer un musée à partir de sa collection. Une bien étrange collection en vérité : des objets ayant appartenu à des défunts et récupérés après leur mort.
Un long travail commence, d’inventaire, de nettoyage, de construction des vitrines, etc. En parallèle, le narrateur découvre les habitants du village.
Quelle que fût l’importance du musée, ce qu’il contenait n’était rien de plus qu’un ramassis de minuscules fragments du monde. Pour autant, qui aurait pu me reprocher de les présenter ainsi, même si j’en tirais une certaine fierté ? Car c’était bien moi qui les sauvais du chaos et retrouvais leur signification oubliée.
Les petits blaireaux vont sans doute se montrer. Partir au loin sera source de tristesse. Mieux vaut rester sagement ici à travailler.
Un roman étrange, enrobé de silence. D’abord il y a la vieille dame et sa fille. Et puis cette collection d’objets. Apparemment sans signification, mais chacun d’eux constitue la trace de quelqu’un. Tous accumulés, c’est le village qui apparaît. Le narrateur apprend bien vite que sa tâche ne se limite pas à inventorier la collection, mais qu’il doit également poursuivre la collecte et récupérer de nouveaux objets. Mais tous les défunts ne sont pas des gens bien.
Il y a aussi le village. Un attentat à la bombe, un tueur en série, un artisan qui sculpte les œufs et surtout les prédicateurs. Les prédicateurs de silence vêtus de peau de bison. Ils suffisent à donner au roman une veine poétique, voire délicatement fantastique, du moins irréelle. Leur apparition signale que le lecteur et le narrateur ne se trouvent pas tout à fait dans le monde habituel. D’ailleurs, progressivement, on en vient à s’interroger sur ce narrateur dont après tout on ne sait pas grand-chose.
Il y a un match de base-ball avec des équipes au nom improbable (celle des Éleveurs de poulets est favorite). Il y a des observations de grenouilles et d’escargots au microscope (et c’est vaguement malaisant). C’est fou comme des détails inoffensifs peuvent traduire un malaise, alors même qu’ils sont vraiment tout à fait innocents. Il y a là une certaine virtuosité.
Un roman envoûtant et plein de charme. À la fin de ma lecture, je me demande quel objet pourrait figurer dans ce musée après ma mort. Ma tablette, mon ours en peluche, mon appareil photo, mon bracelet, le pendentif avec un colibri ? Comment savoir ?
Au musée Arlaten. |
- Conserver les choses, c’est beaucoup plus compliqué que je ne l’imaginais.
- C’est normal. En général, si on les néglige, elles finissent par tomber en poussière. Les insectes, les moisissures, la chaleur, l’eau, l’air, le sel, la lumière, tout est néfaste. Tout tend à la décomposition du monde. Rien n’est immuable.
- Ma mère est immuable. Elle est restée la vieille dame que vous voyez depuis que j’ai été accueillie ici.
L’avis de Claudia Lucia.
J’ai tenté de relire La Formule préférée du professeur, mais il m’est tombé des mains. En revanche, j'ai plutôt apprécié Petits oiseaux.
Sur les blogs littéraires aujourd’hui, une lecture commune autour d’Ogawa, pour saluer la mémoire de Goran, trop tôt parti.
Je n'ai pas relu Ogawa pour l'occasion, j'ai regardé en bibli pourtant, mais soit j'ai déjà lu soit ça ne m'attirait pas...
RépondreSupprimerJ'avoue avoir eu du mal. J'ai commencé à relire un autre roman, que j'ai abandonné, avant de reprendre celui-ci. Ses romans ont tendance à se ressembler. Elle a été très à la mode à une époque, mais je pense que l'on s'en lasse.
SupprimerJ'ai personnellement découvert l'auteure à l'occasion de cette lecture hommage. J'ai bien aimé, mais ne suis pas sûre de renouveler..
RépondreSupprimerJe la connaissais déjà et j’ai pioché sur les étagères. Cela a du charme mais ce n’est pas un coup de cœur.
Supprimerdécidément l'auteure est à l'honneur aujourd'hui
RépondreSupprimerTout l’intérêt des lectures communes !
SupprimerAïe. "La formule préférée du professeur" est dans ma pal de même que "Les lectures des otages", fortement conseillée par une lectrice dans les rayons d'une librairie (faible que je suis, je me suis laissée convaincre :)) Je ne suis pas super rassurée du coup.
RépondreSupprimerJ'avais gardé la formule préférée du professeur et j'avais envie de le relire, donc a priori j'en gardais un bon souvenir. C'est juste que les artifices d'écriture (qui sont normaux hein dans un roman) n'ont pas pris. Les romans de l'autrice ont du charme, j'espère qu'ils te plairont.
SupprimerBizarre, vous avez dit bizzarre?
RépondreSupprimerComme c’est étrange !
SupprimerLa présentation que tu en fais m'attire, de même que la dernière citation qui m'a fait sourire (encore une fois!). Mais je vois que tu es en général partagée par l'auteure. Par chance pour moi, j'ai tout à découvrir chez elle.
RépondreSupprimerIl y a de jolis titres, faut juste trouver ce qui te plaira.
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