La vraie vie, la vie enfin découverte et éclaircie, la seule vie par conséquent réellement vécue, c'est la littérature.



mardi 19 octobre 2021

Puisque la vie nous est donnée à vivre, nous la vivrons, rien à faire !

 Angel Wagenstein, Le Pentateuque ou les cinq livres d’Isaac, sans doute publié en 1998, traduit du bulgare par Veronika Nentcheva et Éric Naulleau, édité en France par Autrement (rentrée littéraire 2021).

 

Le héros, Isaac, est un petit juif né dans l’empire d’Autriche-Hongrie. Autant dire que son existence est tragique. Mais le livre est emplit de blagues juives et soviétiques.

Un roman réjouissant, plein d’aventures, d’humour et de mélancolie. Tout cela est bien doux amer.


Et peut-on trouver le moindre sens à ce que tous les sujets austro-hongrois qui n’aspiraient jadis rien tant qu’à ce que l’empire habsbourgeois éclatât en pays séparés, unions ethniques douteuses et fédérations tectoniques, qui brandissaient à bout de bras leurs drapeaux nationaux, pleuraient et reniflaient dès qu’ils entendaient « Eh, vous les Slaves ! », sanglotent à présent devant les pots cassés et se souviennent de l’Autriche-Hongrie comme du « bon vieux temps » ?


Isaac raconte son enfance dans un fond de bled de l’empire, tailleur et fils de tailleur. Comment il a échappé à la Première guerre mondiale et comment il est devenu polonais. Puis citoyen camarade de l’URSS. Puis dévasté par le Reich. Il ne reste plus rien de son monde et ira jusqu’aux camps de la Kolyma. Le tout est raconté d’un ton plein de vie, parsemé de digressions et d’histoires juives, ce qui souligne finalement une seule chose : cette existence est absurde et n’a ni queue ni tête, mais il faut bien pourtant la poursuivre jusqu’à son terme.

Au début du livre, il y a une allusion aux débris d’empire qui sont autant d’anneaux de Saturne, ce qui n’est pas sans faire écho au célèbre roman de Sebald. Sous le rire, le sourire et la malice (car Isaac a plus d’un tour dans son sac), c’est bien l’intense mélancolie qui habite ces humains d’un monde disparu, entourés de fantômes, qui ne sont plus attendus de personne. À cet égard, la mention de Zweig à la fin du roman prend une signification particulière.

Il y a des blagues sur Moïse et Yavhé, sur Jésus. Il y a aussi Chagall.

Chagall, Abraham et les 3 anges, Nice

Se faire passer pour un imbécile afin de survivre est un art juif des plus anciens, seulement comparable à l’architecture hellène et, plus exactement, au Parthénon.

 

Le monde est plein de surprises, et si toutes s’avéraient agréables, la Création serait une idée véritablement magnifique dont il conviendrait de féliciter Dieu. Hélas, il n’en va pas toujours ainsi, et notre – plaise au Très-Haut de ne pas en prendre ombrage – exhibe bien trop de soufflures et de crevasses.

 

L'avis de Passage à l'Est.

De l’auteur, j’aimerais bien lire Adieu Shanghai à propos des juifs de Shanghai.

Je note que le titre anglais n’emploie pas Pentateuque, mais Torah, ce qui paraît un peu plus cohérent pour un juif. Le narrateur (via l’auteur et les traducteurs) parle de ses « cinq livres ».


P. S. J'espère que mes fans sont satisfaites du titre-citation de ce billet.


 


9 commentaires:

  1. Voui voui j'ai bien, vu la phrase choisie pour le titre ^_^
    Cet auteur est présent en bibli, mais pas avec ce titre...

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  2. Hé bien si, il est à la bibli!!!

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  3. Intéressante, ta référence à la différence entre Pentateuque et Torah! Si je m'en fie à mes connaissances du bulgare, le titre bulgare évoque le "Петокнижие" (Pentateuque), alors que le mot pour Torah serait "Тора". Qu'en déduire?
    Oui, je suis satisfaite du titre-citation! Il y a beaucoup de passages citables (il faudrait aussi parler de Mendel quelque part).

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    1. J'en conclus que les titres européens s'adressent à un lectorat plus familier du christianisme et ne voulaient pas faire trop juif.
      Pour le titre, ouf.

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  4. éternel dilemme avec les traductions : Torah ou Pentateuque en fait Pentateuque n'a rien de juif !!! donc la traduction d'un auteur juif devrait le respecter mais ....
    un livre lu il y a 25 ou 30 ans et que j'ai depuis relu et fait lire autour de moi, en commentaire chez Passage à l'Est j'ai dit que c'était parmi les livres qui m'avait le plus ouvert à ce devenir des populations de la Mitteleuropa avec le livre La vingt cinquième heure, ces livres qui nous disent ce que c'est qu'être exilé dans sa propre patrie, de passer les frontières pour assurer sa sécurité, de changer de langue au gré des pérégrinations
    En plus j'adore l'humour de ce livre qui même si parfois il est teinté de noir est malgré tout très très réjouissant

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    1. Oui c'est très drôle. Et les blagues juives ne sont pas fabriquées pour le livre, elles sont réellement racontées par des juifs de nos jours. C'est plein de vie.
      J'ai noté la conversation sur la 25e heure, que j'ai aussi en stock et que je pourrai donc lire également à l'occasion.

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  5. Il faut que je le lise. j'avais adoré Abraham le poivrot du même auteur

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    1. Je ne connais pas. Je suis intéressée par celui sur les juifs de Shanghai pour ma part.

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