La vraie vie, la vie enfin découverte et éclaircie, la seule vie par conséquent réellement vécue, c'est la littérature.



mardi 30 novembre 2021

Pas besoin de te dire que tu tiens ça mort.

 Lise Tremblay, L’Habitude des bêtes, parution originale 2017, édité en France par Delcourt.

 

Le narrateur est un ancien dentiste qui a quitté Montréal et une vie composée de boulot et de chasse, pour s’installer dans un chalet au cœur du Saguenay, avec son chien Dan.

Las. Nous sommes des années plus tard. Dan est vieux et est sur le point de mourir. La fille du narrateur va être opérée après de lourds troubles de l’identité et de longues années d’éloignement. Des loups font irruption sur le territoire de chasse des humains et s’en prennent aux orignaux. Les chasseurs deviennent fous et tout le monde a beaucoup trop d’armes. Le narrateur erre entre ses souvenirs, ses amis d’ici, la vieille Mina et René, les tensions entre les gens d’icitte et ceux de la ville… Il se fait vieux.


Tu sais comment y parle en long. Y’a commencé par me dire : « Madame Sirois, vous savez que c’est mon devoir », pis là, je l’ai arrêté tout de suite. Je lui ai dit qu’il faisait sa job, mais que moi, je ne voulais plus y aller. C’est tout. Je voulais juste mes pilules. Il a fini par dire OK.


C’est un roman huis-clos, dans un petit groupe villageois. Tremblay fait très bien ressortir les tensions entre les habitants de la ville et de la forêt. Tout ce monde ne se comprend pas. Il n’y a pas ici la dimension homme-femme, l’accent est davantage mis sur les générations. Entre René et son neveu Patrice, qui connaissent aussi bien l’un que l’autre la forêt et les animaux, la rupture est réelle. Les anciens pratiquent la culture de l’entre-soi : on se venge, on subit la loi du plus fort, on n’appelle pas la police. Pour le narrateur, on subit comme les bêtes.

Un roman moins fort que La Héronnière, mais tout de même très marquant.

Et puis, l’attachement unique d’un homme pour son chien.

 

Fabre, Portrait du beau Pyrrhys, 1823, Fabre
Je me levais, me faisais un café et m’installais dans la verrière pour essayer d’apercevoir le loup. Le jour se levait, le lac apparaissait et les épinettes dessinaient à nouveau ses contours. Je savais que tout ça me serait enlevé et je me révoltais. Je me jugeais aussi. Ce n’était pas la peur de la mort, c’était l’incapacité à accepter de ne plus pouvoir admirer le lac, de ne plus voir sa couleur changer, de ne plus le regarder se figer pendant l’hiver et de ne plus surveiller le moment de sa libération au printemps. Et tout ça m’était atrocement douloureux.

  

Une autrice. Une seconde participation au mois de novembre au Québec.


 

4 commentaires:

keisha a dit…

J'aime bien ton intrigante citation de démarrage...

nathalie a dit…

Un extrait de dialogue.

claudialucia a dit…

Le lac Saint Jean, un de mes beaux souvenirs de voyage...

nathalie a dit…

Je ne connais pas cette région du Canada pour ma part.