La vraie vie, la vie enfin découverte et éclaircie, la seule vie par conséquent réellement vécue, c'est la littérature.



mardi 14 décembre 2021

Les adjectifs, vous pouvez en faire tout ce qu’il vous plait, mais les verbes !

 Lewis Carroll, Alice au pays des merveilles suivi de À travers le miroir, traduit de l’anglais par Henri Parisot, parution originale 1865 et 1867.

 

Comme beaucoup je pense, la première lecture de ces deux classiques a pu me déstabiliser ou me laisser sur ma faim. Mais l’année dernière, j’ai été enthousiasmée par ma lecture de la Chasse au Snark (vous l’avez lu ? vous l’avez lu ? C’est extra !) et par l’essai comparant les traductions d’un certain poème. Je me suis donc décidé à relire ces deux courts romans.

Cette fois-ci, je savais où j’allais et j’ai été plus attentive au travail sur le langage.


Et, un jour, elle avait fait une peur bleue à sa vieille gouvernante en lui criant tout à trac dans le tuyau de l’oreille : « Nounou, faisons semblant d’être, moi une hyène affamée, et vous un os ! »


Alice au pays des merveilles, c’est une folle course derrière un lapin blanc, avec une petite fille raisonneuse, bien élevée et très bavarde. J’ai repéré les multiples parenthèses où l’auteur commente le comportement de son héroïne, qui sont assez sympathiques et qui rappellent l’origine parfaitement orale de cette histoire. Ce royaume d’opérette est aussi un univers particulièrement violent (on aime faire peur aux enfants). Il y a une folle partie de croquet, qui est un peu le clou du spectacle. Et puis il y a la danse des homards.


« Minet du Cheshire… », commença-t-elle, avec quelque appréhension, à articuler, ne sachant pas du tout si ce nom lui plairait. Mais le sourire du chat s’élargit ostensiblement. « Allons, il est jusqu’à présent satisfait, pensa Alice, qui poursuivit : Voudriez-vous, je vous prie, me dire quel chemin je dois prendre pour m’en aller d’ici ? »

« Cela dépend en grande partie du lieu où vous voulez vous rendre », répondit le Chat.

« Je ne me soucie pas trop du lieu… » dit Alice.

« En ce cas, peu importe quel chemin vous prendrez », déclara le Chat.

« …pourvu que j’arrive quelque part », ajouta, en manière d’explication, Alice.

 

Burne-Jones, Le sommeil de Chaucer, 1864 V&A

À travers le miroir, c’est Alice qui traverse le grand miroir du salon et devient un pion d’une folle partie d’échec, multipliant les rencontres de case en case. C’est un univers où tout fonctionne à l’envers, où l’on court pour rester sur place et où on se rappelle les événements à venir. On y trouve le poème Le Bredoulocheux ainsi que son explication par Humpty Dumpty.

 

- Vous pouvez observer un Papapillon et un Grand-Papapillon. Le Papapillon est un Papillon père de famille, tandis que le Grand-Papapillon est un Papapillon très âgé.

- Et de quoi se nourrissent-ils ?

- De barbillons, de carpillons et de tortillons.

 

- Lorsque moi j’emploie un mot, répliqué Humpty Dumpty d’un ton de voix quelque peu dédaigneux, il signifie exactement ce qu’il me plaît qu’il signifie… ni plus, ni moins.

- La question, dit Alice, est de savoir si vous avez le pouvoir de faire que les mots signifient autre chose que ce qu’ils veulent dire.

- La question, riposta Humpty Dumpty, est de savoir qui sera le maître… un point, c’est tout.

 

Ce qui rend ces romans un peu difficiles à lire, c’est leur manque de suite, on passe un peu d’un truc à l’autre sans raison. Leur charme vient des innombrables jeux de mots, références, blagues. Chaque paragraphe est toujours nouveau et surprenant. Quelle inventivité !

 

Mon premier billet.


Et le Snark qu’il vous faut absolument lire (ça va, je n'insiste pas trop ?)



10 commentaires:

keisha a dit…

Déjà lu, et en VO je pense, sauf que je ne retrouve plus mon exemplaire, je suppose que comme je n'avais pas été très enthousiaste, je m'en suis débarrassée. Tu comprendras qu'en première lecture on puisse être déconcerté.
Mais la chasse au Snark, ça, faut que j'aille y voir!

Dominique a dit…

Question Snark tu n'insistes pas ...trop je l'ai noté avec une petite accolade histoire de me rappeler ce billet
Alice j'ai la chance de l'avoir dans une belle édition que j'affectionne et cela me fait penser que je ne l'ai pas relu depuis longtemps erreur à réparer car c'est un festival pour amoureux des mots

Marilyne a dit…

Tu as raison d'insister pour le Snark, cela fait des années que mon mari me le recommande, il faudra bien que je cède à la curiosité ;-)

nathalie a dit…

Je suis d'accord. En première lecture, c'est vraiment ardu et déstabilisant.

nathalie a dit…

Il y a des belles gravures dans les éditions anciennes !

nathalie a dit…

Écoute-le (pour une fois !).

eimelle a dit…

tu as raison de faire un petit rappel pour le Snark !

nathalie a dit…

Oui, c'est toujours bienvenue !

Passage à l'Est! a dit…

Pas lu, mais quand je lis ta première citation, et que je la compare avec mon souvenir du dessin animé, je me dis que je dois y remédier. Henri Parisot a dû s'amuser.
Je creuse le sujet "Snark".

nathalie a dit…

Creuse, creuse !