La vraie vie, la vie enfin découverte et éclaircie, la seule vie par conséquent réellement vécue, c'est la littérature.



mardi 14 juin 2022

Une gigantesque incertitude recouvrait tout, tandis qu’un monde connu et ordonné se défaisait.

 Leonardo Padura, Poussière dans le vent, traduit de l’espagnol par René Solis, parution originale 2020, édité en France par Métailié.

 

C’est l’histoire d’un petit groupe d’exilés cubains, leur jeunesse à Cuba, la façon dont ils sont partis, leur point de chute, leur façon de vivre après l’arrachement, les liens qu’ils conservent entre eux ou pas, les souffrances endurées. Et c’est très bien.

J’ai conscience que le roman a été présenté de la façon suivante sur les blogs : un jour Adela découvre, via une photo postée sur FB par la mère de son petit ami, qu’elle ignore tout de la vie réelle de sa propre mère, avec qui par ailleurs… etc. etc. Bon oui, mais pour moi, l’intérêt du roman, c’est de suivre ce groupe d’amis au fil des années et des générations.


Une seconde évaluation du milieu ambiant, plus transcendantale ou métaphysique, lui avait révélé que l’essence de Hialeah résidait dans le fait qu’il était possible d’y vivre un pied dans un territoire colonisé à l’intérieur des États-Unis et l’autre à Cuba, et que la ville était un refuge parfait pour des réfugiés farouchement déterminés à la rester.


Il y a Clara et ses fils, Dario, Bernardo et Elsa, Horacio, Irving et Joël, ils ont la trentaine, ils vivent à La Havane et on est dans les années 89-90. Des rumeurs inquiétantes arrivent des alliés soviétiques et tout d’un coup tout s’écroule. Les salaires ne sont plus payés, les prix explosent, c’est la faim, il ne reste plus que l’alcool et le tabac et peu à peu tout le monde s’en va, d’autant que certains vivent dans la peur et la parano.

Certains choisissent les États-Unis parce que là-bas le visa de séjour est automatique pour les Cubains (et ce n’est pas le cas des Haïtiens qui les regardent passer), même si le diplôme n’est pas reconnu, mais enfin, on peut vivre. Certains coupent les ponts avec tout ce qui est cubain tandis que d’autres plongent dans Miami, sa nourriture cubaine, sa musique cubaine et ses plages presque caribéennes. Un autre choisit Porto Rico où le diplôme universitaire cubain est valide. D’autres se retrouvent en Europe. Ils entretiennent des relations compliquées avec leur île, avec l’assouplissement des années Obama, avec les discours identitaires divers. Et c’est passionnant de suivre tous ces parcours.

En plus, on est dans un roman de Padura, malgré les gros mots, il y a beaucoup de tendresse et de douceur pour les personnages, qui sont heureux en amour et ont des enfants, et peuvent ressentir un certain apaisement malgré les vicissitudes de la vie (c’est bien la douceur dans les romans).

Il y a le poids de la nostalgie et le sentiment de n’être jamais chez soi.

Il y a aussi tous les récits des combines improbables : importation de pièces détachées depuis la Russie, l’argent nécessaire pour effectuer les analyses de sang et les soins médicaux, un pays privé de nourriture, de pétrole et d’électricité, les travaux obligatoires aux champs, les files d’attente en permanence.

Un livre pour qui s’intéresse à Cuba et à l’exil !

 

Et il avait pleuré presque toute la nuit, honteux de tenir autant à son petit confort, accablé par le poids d’une sidérante impuissance qui le faisait se sentir égoïste et ingrat, une souffrance qui lui faisait horreur et rendait sinistre la nuit du retour du fils prodigue dans sa patrie. (…) Il s’enfuit de chez lui comme s’il tentait de s’enfuir de lui-même pour se perdre dans la ville, familière et lointaine tout à la fois, le territoire de ses meilleurs et pires souvenirs. La terre qui avait nourri son autre vie, une vie à jamais morte et enterrée, comme d’autres vies, littéralement mortes et enterrées.

 

Padura sur le blog :

Spilliaert, Les Habits blancs, 1912, Ostende Mu.ZEE


 

4 commentaires:

  1. J'aime beaucoup l'auteur, mais quand j'ai commencé ce livre, tant d'autres m'attendaient, alors je l'ai rendu à la bibli (où il est encore, ça va)

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    1. On me l'a prêté. Ce n'est pas un grand styliste, mais un bon romancier pour moi et celui-ci est vraiment réussi.

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  2. J'aime beaucoup les romans de Padura mais j'avoue que celui-ci, je l'ai trouvé long, malgré l'intérêt des thèmes.

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    1. Cela ne m'a pas gêné, mais je comprends. C'est long et pas mal de redites (des clichés), mais j'ai quand même été séduite par l'ensemble.

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