La vraie vie, la vie enfin découverte et éclaircie, la seule vie par conséquent réellement vécue, c'est la littérature.



jeudi 22 septembre 2022

Des gens effacés de l’histoire comme des personnages d’un conte.

 Kevin O’Neill et Alan Moore, La Ligue des gentlemen extraordinaires.

 

Volume 1, traduction par Geneviève Coulomb, parution originale 1999.

En 1898, les services secrets britanniques constituent un groupe de choc dirigé par Melle Murray, une dame très victorienne qui connaît le Mal de près, et composé d’Allan Quatermain, du capitaine Nemo, de l’Homme invisible, du docteur Jekyll et d’Edward Hyde. L’objectif est de lutter contre un dangereux criminel chinois qui souhaite détruire Londres. Dans ce premier album, on découvre toute la richesse de l’univers de La Ligue et on croise des stars de la culture britannique (les frères Holmes, un gros monsieur Bond…). Ce plaisir de la découverte est très réjouissant et, j’ose le mot, jubilatoire. Les dessins campent un univers très steampunk (mention spéciale au sous-marin de Nemo et au combat entre machine aérienne et dragons chinois).

Comme tout bon comics, le récit principal est accompagné d’affiches, de publicités et de jeux. Il y a aussi un récit en prose tendance orientaliste très mauvais consacré à une aventure de Quatermain (je ne l’ai pas lu).

Il y a eu un premier billet enthousiaste.

 

Volume 2, traduction par Geneviève Coulomb, parution originale 2002.

Quelques mois plus tard, le groupe Murray est à nouveau réuni, cette fois pour lutter contre une invasion d’extraterrestres. Toute coïncidence avec l’univers de H. G. Wells ne sera pas fortuite. L’album fait toute sa place à Edward Hyde, créature répugnante, brutale et noble, qui danse une polka endiablée avec les envahisseurs et qui donne son nom à un célèbre parc londonien. Là encore, les dessins sont spectaculaires. Cet album est également très réussi !

En plus des illustrations, l’album comporte un long récit qui n’autre qu’un document des services secrets anglais. Toute la planète y est examinée à la recherche des lieux où apparaissent les fous, les fées, les royaumes surnaturels, les monstres… Est convoquée une multitude de références littéraires, populaires, légendaires extrêmement variées et inattendues. Même si je l’ai parcouru dans les grandes lignes, j’ai quand même compris que la Ligue avait connu de précédentes incarnations à l’époque de Gulliver et du magicien Prospero par exemple. Il est également question des aventures survenues au couple Murray / Quatermain dans les premières années du XXe siècle (et qui ne sont pas illustrées dans les albums) et d’une mare en Ouganda qui donne l’immortalité. Et puis un certain Orlando fait son apparition.

Il y a eu un premier billet enthousiaste.


Le Dossier noir, traduction de l’anglais par Makma et M. Auverdin, parution originale 2007.

À Londres, en 1958, dans une ambiance très « Troisième homme », Mina Murray et Alain Quatermain Junior, toujours jeunes, qui ne travaillent plus pour les services secrets anglais et semblent à leur compte, dérobent un mystérieux dossier noir. Le lecteur attentif se rendra compte que nous sommes quelques années après la dictature d’un certain Big Brother. Nos héros doivent affronter notamment un certain Jimmy Bond, espion amateur de vodka martini et dragueur lourdingue… La page Wikipedia m’apprend que Moore et O’Neill ont dû s’accommoder de la réglementation sur le copyright pour les héros les plus récents, ce qui explique ce léger changement de prénom.

Mais s’intercale dans le récit le contenu de ce dossier noir ! Un dossier top secret qui retrace tous les avatars de la Ligue depuis sa constitution par Elizabeth I, dite Gloriana, la reine des fées. Saviez-vous que don Quichotte en avait fait partie ? Et Gulliver ? Sont insérés dans ce dossier toutes sortes de documents : cartes postales, récit libertin du XVIIIe siècle, pièce perdue de Shakespeare, rapport des services secret, un récit mêlant l’inimitable Jeeves et un certain Cool Lulu… tout cela est très inventif.

L’album s’achève tout simplement avec des pages en 3D ! (lunettes fournies)

J’ai bien aimé bien la variété du graphisme. On sent que nos deux auteurs se sont bien amusés. Où l’on découvre qu’Orlando est bien immortel et de sexe changeant, comme Woolf l’a inventé, mais qu’il/elle est enfant de Tiresias et que c’est un.e terrible vantard.e. Et le duc Prospero a bizarrement le visage d’Allan Moore.

C’est un album très sensuel et plein de malice.

 

Volume 3 : Century, traduit de l’anglais par Anne Capuron, publication originale 2009-2012.

L’album est plus sombre. L’action se déroule respectivement en 1910, 1969 et 2009 et cette fois les morceaux épars de la Ligue doivent empêcher la venue de l’Antéchrist et de l’Apocalypse.

Je n’ai pas vraiment apprécié celui-ci, car il est vraiment sombre. Le début du siècle est marqué par un homme qui tue les prostituées (et qui reprend la complainte de Mackie). Je retrouve dans l’évocation des quartiers populaires le souvenir des gravures de Hogarth comme dans le 1er volume. C’est le XXe siècle des guerres mondiales, mais les femmes y sont particulièrement malmenées par les hommes.  Les utopies des années 70 ont échoué et le Londres contemporain est sinistre et en proie à la misère. Le personnage de Norton m’a fait penser au Jérusalem de Moore qui mêle les époques d’un même lieu.

Il y a quand même de sacrées trouvailles, qui renouvellent agréablement mes vieilles références. D’abord le réinvestissement du personnage d’Orlando me semble une réussite. L’utilisation des grands concerts psychédéliques des années 70 dans un univers surnaturel également (et on a quelques noms en tête). Il y a une satire très réussie de l’univers de Harry Potter, j’ai vraiment aimé. Et puis après on ne verra plus Mary Poppins de la même façon.

La partie BD est suivie d’un récit en prose qui nous en apprend beaucoup sur la façon dont la Lune est peuplée.

 

Bilan. Je m’arrête là, je ne lirai pas les autres albums de la série. Je ne suis pas forcément à l’aise dans la culture comics, d’autant que sans Wikipedia pas mal de références (en gros, celles postérieures aux années 50) me passeraient au-dessus de la tête (#VieilleDame). Mais je suis ravie de ma découverte. Les deux premiers albums me semblent indispensables à toute bonne culture littéraire – j’ai déjà eu le temps de les relire. Cette inventivité, cet humour, ce retournement des personnages sont totalement bienvenus d'autant que le graphisme est très inventif (il y a des exemples dans les deux premiers billets). À lire !

P. S. Ces albums participent au mois Sous les pavés les pages d'Ingannmic et d'Athalie car ils nous font visiter la ville de Londres d'une façon originale.



8 commentaires:

  1. Excellente série, c'est chouette de connaître les références mais tant pis si on ne les a pas toutes : le plaisir est là quand même.

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    1. Oui, je suis ravie d'en capter seulement une partie, cela n'empêche pas de sourire et d'apprécier les dessins et le rythme de la série.

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  2. Pourquoi pas? Mais plus tard, alors; Je pense commencer Thermae romae un de ces jours.

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    1. J'ai bien aimé Thermae, mais c'est nettement moins bien à mon goût.

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  3. je ne parviens pas à m'intéresser à ce type de récit et ça date de très longtemps hélas

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    1. Je crois en effet que ce n'est pas du tout ton truc !

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  4. Merci pour cette nouvelle participation, qui élargit la variété des propositions. Je note, aussi, c'est l'occasion d'une incursion dans un genre vers lequel je vais rarement. Et tu me rappelles que Jérusalem m'attend toujours sur mes étagères.. Bon, disons que je ne pouvais pas lire Kong ET Jérusalem pour la même édition du pavé de l'été..

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    1. Jérusalem est un grand livre ! Qui se lit assez facilement dans la mesure où il est très structuré. Personnellement je l’ai lu en 3 tranches pour que ce soit plus léger.

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