La vraie vie, la vie enfin découverte et éclaircie, la seule vie par conséquent réellement vécue, c'est la littérature.



jeudi 13 octobre 2022

L’homme meurt si on le prive de pain, mais il dépérit et se fane en l’absence de rêves.

 Jón Kalman Stefánsson, La Tristesse des anges, parution originale 2009, traduit de l’islandais par Éric Boury, édité chez Gallimard.

 

La tristesse des anges, ce sont tous ces flocons de neige qui volent sur la terre. Ce roman est une longue, très longue, tempête de neige. Et pourtant, nous sommes en avril.

Nous retrouvons le gamin, vivant dans le Village, trois semaines après la fin d’Entre ciel et terre. Tout n’est pas rose dans cette petite communauté entre l’alcool qui détruit les hommes, le temps qui distend les êtres, à quoi il faut ajouter les autorités patriarcales et morales et l’argent qui décident du destin des habitants. Et pourtant, on s’y sent à l’abri des tempêtes. Le gamin est envoyé aux côtés de Jens, le postier, pour l’aider à accomplir sa tournée dans le Nord. Ce seront des jours de marche dans une interminable tempête de neige, sans possibilité de s’arrêter, sans point de repère, au bout du monde – mais même au bout du monde il y a des êtres humains qui vivent là-bas.


Il n’est pas toujours aisé de supporter la poésie, elle peut entraîner l’être humain dans des directions inattendues. On m’a donné des ailes, mais où donc est l’air pour voler ?


Jens et le gamin se trouvent plongés dans un univers puissamment hostile, la neige, le froid, le vent, la mort, la faim. Si Jens semble être assez bien adapté, ce n’est pas le cas du plus jeune, trop rêveur, trop ami de la poésie pour faire preuve de l’obstination et de la concentration nécessaires. Chacun marche, remuant des pensées, des souvenirs qui lui sont chers et qui justifient impérativement leur retour, vivants. Il y a des gens qui les attendent.

Gallen-Kallela, Souffrance muette, 1889 collec Ovaskianen

Un beau livre, très, très froid.  Mais après sa lecture on se sent un peu plus seule.

Une interrogation lancinante sur le pouvoir de la poésie. Aide-t-elle à vivre ou son pouvoir est-il illusoire ?

 

Le gamin baisse à nouveau les yeux sur la lettre, les mots semblent être la seule chose que le temps n’ait pas le pouvoir de piétiner. Il traverse la vie et la change en mort, il traverse les maisons et les réduit en poussière, même les montagnes, ces majestueux amas rocheux, finissent par céder face à lui. Pourtant il semble que certains mots parviennent à affronter son pouvoir destructeur, la chose est étrange, certes, ils s’usent un peu, leur surface se patine, mais ils résistent et conservent en eux des vies englouties.

 

Le billet d’une berge à l’autre et celui de Miriam.

Stefánsson sur le blog :

Entre ciel et terre - j'ai fait un second billet - si vous ne savez pas quoi lire, lisez celui-ci, même si vous ne comptez pas lire la trilogie. Ce volume est magnifique et se suffit à lui-même.
D'ailleurs, les poissons n'ont pas de pieds

Ásta - vous pouvez aussi commencer par celui-ci, un des meilleurs à mon goût.


Je suis prête pour le troisième et dernier volume !




6 commentaires:

keisha a dit…

Jamais lu l'auteur, ou en tout cas pris le temps de le démarrer vraiment.

Ingannmic, a dit…

Ah mais c'est lui qui a écrit Asta (que j'ai sur ma pile depuis un moment...) ?! Je débarque....

nathalie a dit…

Tu n'as aucune excuse, tes 3 bibliothèques doivent en avoir plein plein plein !

nathalie a dit…

C'est bien, comme ça j'ai l'impression que mon billet n'est pas inutile, alors même que l'auteur est abondamment couvert par tous les blogs.

Bonheur du Jour a dit…

J'ai lu La tristesse des anges avec une émotion très intense. Je l'ai relu une deuxième fois avant de poursuivre avec les deux autres tomes de la trilogie. A chaque fois, cette impression de force et de bouleversement.

nathalie a dit…

Oui, c'est un petit livre très concentré. Seulement quelques jours, deux personnages, mais très très fort.