La vraie vie, la vie enfin découverte et éclaircie, la seule vie par conséquent réellement vécue, c'est la littérature.



mardi 6 juin 2023

Oyez donc le récit de la vie des enfants d’antan, ces conquérants.

  

Boulet (dessin) et Zach Weinersmith (scénario), Béa Wolf, traduit de l’anglais par Aude Pasquier, édité par Albin Michel, 2023.

 

Les enfants ont un lieu à eux, une cabane créée dans Cœur-d’arbre. Là, ils entassent leurs trésors de sodas colorés et sucrés, leurs jeux et leurs bêtises, sous l’autorité du bon roi Roger (il y a une lignée de rois en short et à couronne en carton). Mais un jour, l’horrible Grindle, un homme sé-ri-eux, s’attaque à eux et les transforme tous en ado bêtes et mous. Heureusement, Roger reçoit l’aide des enfants de l’autre côté de la rivière, et notamment celle de leur championne : Béa Wolf. La lutte contre le monstre sera terrible.


Quoi, j’en fais trop ? Pas du tout. C’est une histoire d’enfants, de tricycles, d’épées en plastique, de pyjamas à licorne et de bonbons en gelée, mais c’est aussi une histoire de rois justes et généreux, d’une joyeuse troupe, de grands banquets pleins de sucre, de monstres et de combats légendaires.

Le texte est génial. En prose peut-être, mais avec des rimes intérieures, des accents épiques propres à magnifier tout cela. Le mariage entre texte pour enfant et roman de légende et de chevalerie fonctionne extrêmement bien. C’est drôle et touchant, familier et grandiose.

 

Il déambulait dans la nuit sans étoiles, scrutait par-dessus la haie, se sentant bouillonner,

S’agaçant du moindre bruit, maudissant ces mâcheurs de gomme et leurs bulles,

Leurs blagues bêtes et leurs beuglements, les rots, les rires, les pets et les pétards,

Le volume insensé des jeux vidéo à valeur éducative zéro !

 

Scrutant les lunettes face à elle, elle n’y décela aucune peur.

Rien qu’un siphon sombre et sans joie, le vide intersidéral.

Cette âme était un sorbet cerise sans sucre, un lac glacé sans patins,

Une tempête de neige n’annulant même pas l’école.



J’aime beaucoup la fin, ouverte, conforme aux romans de chevalerie, positive, mais le succès et le bonheur ne sont jamais totalement acquis, le mal rôde hélas toujours dans le monde et il faut sans cesse lutter contre.

Si l’idée des enfants ne voulant pas devenir adultes est ancienne, j’aime bien aussi cette opposition entre enfance et adolescence. Alors que moult romans nous peignent l’adolescence comme l’âge des possibles et des transformations, des espoirs et des risques, ici les ados sont mous et bêtes, boutonneux et plongés dans leur téléphone, tristes quoi, dépourvus de l’énergie et de la fantaisie des gamins.

 

Et si Beowulf ne vous dit rien, Wikipedia est là pour vous sauver. Le méchant s’y nomme Grendel. Sa mère est une ogresse. Plus personne ne lit Beowulf de nos jours, mais le nom de ce héros est néanmoins très connu grâce à Tolkien. Boulet et Weinersmith nous plonge donc dans une veine épique pas tout à fait ignorée des lecteurs et des amateurs d’imaginaires.

 

Merci Albin Michel et Babelio pour la lecture.

 


4 commentaires:

  1. Un curiosité, là! Je connais des BD de Boulet, c'est tout;

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    1. Il dessine quelquefois pour la série Donjon et puis il a commis des Rogatons (chroniqués sur le blog). Je ne suis pas tout ce qu'il fait pour être honnête.

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  2. Je le connais ce grendel et me souviens de la version de John Gardner (chez Denoël aussi) qui présente Beowulf du point de vue du monstre : très intéressant.

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    1. Ah oui ce doit être bien aussi ! Je vais me renseigner tiens.

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