La vraie vie, la vie enfin découverte et éclaircie, la seule vie par conséquent réellement vécue, c'est la littérature.



jeudi 6 juillet 2023

C’était le type d’homme que l’on rencontre dans les romans et qui avait la tête d’un tenancier de saloon.

 

 

Agatha Christie, Le Secret de Chimneys, parution originale 1925, traduit de l’anglais par Pascale Guinard.

 

Vous avez deux ou trois heures de train ? Allez, sortez ce vieux Christie et amusez-vous.

Si l’essentiel du roman se passe en Angleterre, à Londres et dans une vieille demeure ancestrale, toute l’intrigue tourne autour du petit pays imaginaire de la Herzoslovaquie. Imaginaire, mais balkanique, avec une république fragile et un prétendant au trône, du pétrole et des coups fourrés organisés par les services d’espionnage. Le dernier rejeton de la monarchie, soutenu par le Royaume-Uni, vient d’ailleurs d’être assassiné dans la bibliothèque. Mais il y a aussi un manuscrit avec des révélations, que chacun veut empêcher d’être publié, les lettres d’une dame, un bijou, un voleur français, etc. Et beaucoup de détectives, professionnels ou amateurs.


La voiture franchit les grilles du parc de Chimneys. Description de ce haut lieu historique dans tous les guides. Également no 3 dans Résidences historiques d’Angleterre, prix public 21 schillings. Tous les jeudis, des cars affrétés à Middlingham débarquent une flopée de touristes qui viennent admirer les parties ouvertes au public. Vu cette masse de documentation et de facilités variées, décrire Chimneys serait superfétatoire.


Si j’ai autant apprécié ma lecture, c’est parce que le roman est entièrement empreint d’ironie à l’égard de lui-même. Le mort semble intéresser peu de monde et il n’y a pas ici de réflexion sur la cruauté humaine. Christie traite avec humour des stéréotypes de ses propres romans, notamment des stéréotypes racistes : la demeure ancienne, forcément avec un souterrain, le petit-déjeuner au lendemain du meurtre où l’on s’empiffre de jambon, le domestique modèle, l’inévitable financier juif, les bandits balkaniques, les aventuriers issus des colonies… Très vite le lecteur se rend compte que les personnages ne prennent pas au sérieux leurs supposées caractéristiques, conscients qu’ils sont d’être dans un roman aux effets attendus, et que plusieurs d’entre eux ne sont pas ce qu’ils prétendent. La surabondance d’hommes à moustaches et barbiches titille le lecteur (mais Poirot ne viendra pas). Ce roman est comme une pièce de théâtre, où l’on s’adresse aux spectateurs, où l’on rit avec eux, où les révélations sont attendues.

Tout ceci montre que Christie maîtrisait très bien le côté stéréotypé de ses romans policiers et pouvait en jouer à l’occasion.

Chastel, Matinée d'automne pour La Gazette du bon ton, 1925 coll. privée




Il y a aussi un beau personnage de Lady Eileen dite Boulotte, qui se moque des gens sérieux et qui organise très bien sa vie.

 

- La situation est extrêmement délicate.

- Ne l’est-elle pas toujours ? répliqua lord Caterham avec une pointe d’ironie.

- Mais, mon cher ami, cette fois l’enjeu est d’importance, je vous assure !

- Oh ! bien sûr, bien sûr ! marmonna lord Caterham en renonçant à intervenir.

 

Une romancière.




 

 

2 commentaires:

keisha a dit…

Ah la la , l'envie de le rererelire! Un des excellents AC, oui, la dame est idéale en train... Avec une thermos de thé et des scones maison?

nathalie a dit…

Avec avec... le petit sandwich de ma maman, pain fromage, un morceau de gâteau et sans doute une San Pelegrino à portée de main.