La vraie vie, la vie enfin découverte et éclaircie, la seule vie par conséquent réellement vécue, c'est la littérature.



samedi 15 juillet 2023

Musée des moulages de Montpellier


Après le bon bol d’air marin de la semaine dernière, retour dans un musée ! Et oui, il faut alterner les plaisirs.

Rendez-vous donc au Musée des moulages de Montpellier.

 

De quoi donc ?

 

Rappel historique. Pendant plusieurs siècles, les rois, princes et assimilés ont constitué des collections d’antiques, soit en achetant des vrais (à Rome), qu’ils faisaient transporter et installer à grands frais, soit en en faisant faire des copies, en plâtre ou en marbre ou en métal. Le but est multiple : décorer, flatter l’œil du visiteur, montrer sa richesse et sa culture et sa maîtrise des codes de l’élite, mais aussi fournir des supports aux artistes locaux. Puisque pendant longtemps l’artiste se formait notamment en copiant les grandes œuvres de l’Antiquité, qui servaient de canon.

Notez que la notion de vrai/faux n’avait pas vraiment de sens : antique grec, antique romain, copie romaine d’un original grec, copie moderne… tout cela est né seulement progressivement à la fin du XVIIIe siècle.


Le tireur d'épine d'après la sculpture en bronze actuellement aux musées capitolins.


À partir de la Révolution et plus encore du XIXe siècle, l’objectif de ces collections d’antiques évolue : fournir des modèles à tous les artistes, qu’ils soient grands et petits, c’est-à-dire aux dessinateurs du dimanche, des arts plastiques et des arts appliqués, aux élèves des lycées, sans oublier les étudiants d’histoire et d’archéologie, mais aussi orner le musée de la ville. De nombreuses villes et universités se dotent d’une collection. La Troisième République a mené une réelle politique en ce sens. Notez que c’est à la même époque que les lycées se dotent de collections de sciences naturelles (créatures dans des bocaux, herbiers, squelettes, modèles d’anatomie en carton et en cire, etc.). En réalité, le ministère de l’Instruction avait établi des sortes de kits éducatifs, en sciences naturelles et en arts plastiques. Quelques-uns ont survécu (et il y a un musée de l'éducation à Rouen).


Une métope du Parthenon.

 

Bref. Si plusieurs universités possédaient donc ce genre de collection de moulages, celle de Montpellier est la seule à être restée en place. 

Le musée des moulages de l’université de Montpellier a été inauguré en 1890. Il a été constitué grâce à l’action énergique du maire de la ville, qui enseignait l’archéologie. Il a reçu l’aide de l’école des beaux-arts, de donateurs locaux, du ministère de l’Instruction publique. Il a été complété par l’achat de collections, ce qui lui a permis de ne pas se limiter à l’Antiquité et de s’ouvrir à l’art français médiéval et Renaissance.

Le chapiteau original se trouve dans l'église de Saint-Nectaire.


Une telle collection permet aux étudiants en arts plastiques et en histoire de l’art d’aujourd’hui de voir directement les œuvres. Même à présent, au temps des photographies et d’internet, c’est toujours utile.  Il est possible de regarder côte à côte des oeuvres dispersées entre Rome, Athènes, Paris ou Londres ou de les examiner de plus près qu'il n'est imaginable. Cette collection reflète le goût dominant et la conception de l’histoire de l’art telle qu’elle existait à la fin du XIXe siècle. Cela a beaucoup changé et on remonte toujours un peu le temps dans ce genre d’endroit.

Ladite collection a été rénovée récemment et elle se visite.




Mais qui sont ces jeunes gens valeureux aux fesses musclées ? Les figures du fronton du temple d'Égine (temple d'Aphaïa), sachant que les figures originales sont conservées... à Munich ! Regardez comme on peut tourner autour de cet archer, ce qui était totalement impossible quand il était accroché à plusieurs mètres du sol, sur son fronton. Sans parler de ce bras passé dans le bouclier... invisible "en vrai".
Les plâtres confortent notre vision d'une antiquité blanche et immaculée, totalement fausse et fantasmée (telle que décrite par Philippe Jockey dans Le Mythe de la Grèce blanche). Ce n'est pas parce que c'est une reproduction qu'elle est fidèle à la réalité !


L'Ariane endormie dont l'original romain se trouve aux musées du Vatican et une alignée de beaux modèles antiques.


Vous avez peut-être vu la splendide collection de la Cité de l’Architecture à Paris qui est très tournée vers l'art français, car elle a été conçue comme un musée de la sculpture française (ou lu mon billet à son sujet), 

ou vu celle du Victoria and Albert (vous y verrez la colonne Trajane bien mieux que si vous allez à Rome). Sinon j’ai déjà publié un billet sur les collections de plâtre, à partir de celles de la Sapienza et de la Villa Médicis.


Et comment on y va ? Une fois que vous êtes à Montpellier, vous prenez le tramway 1 et vous descendez à Saint-Éloi. Ensuite, vous marchez jusqu’au campus. Après, c’est très bien indiqué.

La semaine prochaine, on reste près de la petite bleue et on verra des cactus.

 


4 commentaires:

keisha a dit…

Ces moulages ont un intérêt certain, après tout, même si ça ne vaut pas les 'vrais'. Mais j'ai appris sur l'évolution des idées sur ce point.
Coïncidence, j'ai prévu de visiter le musée de l'architecture dans quelques jours...

Nathalie a dit…

L’idée n’est pas de valoir ou de remplacer les originaux mais de valoir pour soi-même et les plâtres valent pour eux-mêmes. Je pense que tu aimeras ta visite de la cité de l’architecture !

miriam a dit…

j'adore ces musées où l'on a le moulage à hauteur des yeux ou on peut tourner autour

Nathalie a dit…

Oui on voit les œuvres d’un œil neuf !