Alfred Döblin, Berlin Alexanderplatz, parution originale 1928, traduit de l’allemand par Olivier Le Lay, édité en France par Gallimard.
C’est l’histoire de Franz Biberkopf, qui sort de prison où il est resté quatre ans pour avoir tué sa femme, qui jure de mener une vie honnête, mais qui est surtout lâche et égoïste – cela ne marchera pas. Le roman raconte son errance durant un peu plus d’un an. Vendeur de journaux, réunions politiques, vendeur de lacets, proxénète, cambrioleur, buveur… il arpente la ville, prend le tramway, marche, mais tous les chemins le ramènent à cette place centrale, véritable cœur de la ville.
Franz était déjà dehors dans la rue sous la pluie. Qu’est-ce qu’on fait ? J’suis libre. Y m’faut une femme. Une femme, voilà c’qu’y m’faut. Bon air, comme elle est chouette la vie au dehors. D’abord tenir droit sur ses cannes et puis trotter. Il avait des ressorts dans les jambes, il ne sentait pas le sol sous ses pieds.
Döblin raconte la vie de Biberkopf, mais aussi la vie de Berlin, à coup de chansons, d’onomatopées, d’allégories religieuses ou mythologiques. Il y a surtout la langue très orale et rustique de son personnage, dans ses dialogues et ses pensées. Tout cela est très vivant. Mais aussi très déprimant, la danse endiablée semblant inexorablement mener à la dégringolade.
Certaines scènes sont très violentes. Il y a des coups, des tentatives de viol, un viol, un crime, mais ce n’est rien à côté des fameuses pages avec la longue, très longue description des abattoirs de Berlin – presque impossible à lire.
Le récit s’interrompt régulièrement pour des anecdotes d’actualité, qui décrivent la vie des habitants de Berlin, résument les nouvelles de la presse, donnent l’atmosphère dans laquelle avance, à l’aveugle, notre pseudo héros. Slogans politiques, réclames publicitaires. C’est que le pays s’écroule un peu. Inflation folle, pauvreté, empoignades communistes et fascistes, et surtout corruption morale généralisée. Ce roman dresse le portrait d'une ville et d'une époque.
Et bien d’autres choses encore se passent sur l’Alex, mais le principal : elle est là. Et ils continuent tous de trotter dessus, et il y a une gadoue épouvantable, la municipalité de Berlin, toute de délicatesse et d’humanité, laisse la neige se résoudre doucement, peu à peu, en boue, et qu’on s’avise surtout pas d’y mett’ les pattes.
C'était une relecture, mais il y a deux précédents billets ! Le premier est centré sur l’histoire et le second sur la langue.
Ce billet compte à la fois pour les Feuilles allemandes d'Eva et Patrice et pour le mois des pavés urbains d'Athalie et Ingannmic.
J'ai l'impression que le style Seul rappelle un peu "Seul dans Berlin" de Hans Fallada.
RépondreSupprimerOh Fallada est un peu plus facile, plus linéaire, il y a moins d'oral dans mon souvenir.
SupprimerHeu, très (trop?) oral. Le traducteur est à féliciter, on dirait.
RépondreSupprimerPourquoi trop ? Voyons faut se laisser embarquer !
SupprimerAïe un livre que j'ai entamé deux fois mais jamais lu en totalité
RépondreSupprimerPas facile à lire, je reconnais.
SupprimerCelui ci m'attend toujours. Avec ton billet, je sais à quoi m'attendre. Je crois que ce serait plus pour la chronique de la ville et ce l'époque.
RépondreSupprimerOui c'est un panorama sur l'Allemagne, c'est très intéressant !
SupprimerIl impressionne un peu ce titre, mais les extraits me tentent !
RépondreSupprimerTant mieux s'ils donnent envie, ce n'est pas évident.
SupprimerUn livre dont on ne ressort pas indemne visiblement... Merci pour ta participation à notre mois thématique.
RépondreSupprimerC'est un roman emblématique de Berlin et de l'époque.
SupprimerC'est le genre de livre qu'on est heureux de coucher sur un bilan des Feuilles allemandes ! Merci beaucoup pour ta participation. Je n'ai encore jamais essayé de le lire mais cette description de Berlin dans ces années si particulières et le style me tentent beaucoup.
RépondreSupprimerAh pourtant c'est une pièce majeure de la littérature allemande.
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