La vraie vie, la vie enfin découverte et éclaircie, la seule vie par conséquent réellement vécue, c'est la littérature.



mardi 16 janvier 2024

C’est une obscurité qui n’est pas morte, mais qui brille, une obscurité lumineuse en quelque sorte.

 


Jon Fosse, Mélancholia II, parution originale 1996, traduit du norvégien par Terje Sinding, édité en France par Circé.

 

Alors, qui est ce Fosse qui vient de recevoir le prix Nobel de littérature ? Je ne connais pas son théâtre et je me suis donc tournée vers ce très court roman.

Au début du siècle, dans un village de pêcheurs, quelques heures dans la journée d’Oline, une très vieille dame, qui remonte chez elle avec le poisson qu’elle vient d’acheter. Elle a très mal aux pieds, elle aimerait s’arrêter, elle a besoin d’aller au petit coin, elle a mal et voilà qu’on lui demande de venir voir son frère qui se meurt, mais Oline se met alors à penser à son autre frère, Lars, un peintre, un fou, mort récemment. Elle s’embrouille dans ses souvenirs, c’est difficile de tout se rappeler et puis elle a besoin de se reposer.


…et puis un jour, je m’en souviens de manière si claire, si précise, comme si c’était arrivé aujourd’hui, je m’en souviens, un jour j’ai décidé de te suivre, des choses comme ça je m’en souviens de manière si claire, si précise, alors que je suis incapable de me souvenir de ce qui est arrivé hier et que j’ai du mal à me souvenir de ce qui vient de se passer…


Un petit livre touchant parce qu’il réussit à retranscrire le flot de pensées embrouillées d’une vieille dame, qui a plus de facilité à retrouver ses souvenirs d’enfance qu’à se rappeler ce qu’on vient de lui demander ou à reconnaître cette dame qui vient l’aider. Ses hésitations, ses dénégations, ses plaintes. D’un frère à l’autre, Oline se mélange. En voici un qui est déjà mort, un qui se meurt et elle-même qui est bien fatiguée. Fosse raconte la vieillesse, la vieillesse du corps qui ne fonctionne plus bien, qui ne se retient plus, qui souffre, et la vieillesse de la tête, qui oublie, qui est fatiguée. Oline va s’en aller tout doucement, plongée dans ses souvenirs d’enfance.

 

… je regarde le ciel et je vois les nuages se mouvoir dans leur blancheur sur le bleu du ciel et je regarde la mer dans son bleu plus profond et la mer est pleine de mouvements blancs et je me dis que Lars est comme la mer et comme le ciel, toujours changeant, de la lumière à l’obscurité, du blanc au noir le plus noir, c’est comme ça qu’il est, Lars, exactement comme la mer, me dis-je, alors que moi je suis plutôt comme la pierre ou comme les marais, pas vraiment inégale, pas vraiment égale, mais marron et jaune…

 

Bernard, Madeleine au Bois d'Amour, 1888, Orsay



J’avais lu que les romans de Fosse n’avaient pas de ponctuation. C’est faux. La ponctuation est faible, mais bien présente, car tout est porté par le rythme de la phrase – l’auteur écrit pour le théâtre – nous suivons les pensées fragmentées et chaotiques d’Oline.

Mélancholia II fait suite à Mélancholia I, mais c’est ce volume qui m’a fait envie, car la quatrième de couverture présente un extrait décrivant un tableau du fameux Lars, tableau dans lequel Oline se plonge et se perd, renouant avec son frère disparu grâce à ces quelques couleurs. Il ne s’agit pas réellement d’une suite. Simplement, un volume se déroule après l’autre, mais aucun problème de compréhension et j’ai désormais assez envie de lire Mélancholia I.

Wikipedia m’apprend que le personnage de Lars s’inspire du peintre Lars Hertervig, que je ne connais pas.

 

6 commentaires:

  1. Hum, je ne savais pas qu'il écrivait des romans aussi...

    RépondreSupprimer
  2. @Keisha : des petits romans de 100 pages.

    RépondreSupprimer
  3. en 2023, je n'ai pas beaucoup suivi l'actualité des prix littéraires et j'ai raté l'information concernant le prix Nobel ! Je ne connaissais pas non plus le peintre Lars Hertervig

    RépondreSupprimer
  4. @JeLisJeBlogue : rassure-toi, un auteur norvégien, spécialiste de théâtre, tu n'es pas la seule à l'avoir loupé !

    RépondreSupprimer
  5. je ne connais aucun de ses romans non plus, à découvrir !

    RépondreSupprimer
  6. @eimelle : je me suis dit que tu avais peut-être vu certaines de ses pièces puisqu'il a beaucoup écrit pour le théâtre.

    RépondreSupprimer

N’hésitez pas à me raconter vos galères de commentaire (enfin, si vous réussissez à les poster !).