La vraie vie, la vie enfin découverte et éclaircie, la seule vie par conséquent réellement vécue, c'est la littérature.



mardi 20 février 2024

Le vent effeuillait avec la nonchalance d’un soupir une rose largement épanouie.

 


Anne Guglielmetti, Deux femmes et un jardin, 2022, aux éditions Interférences.

 

Mariette est dans le train, puis dans le bus, à destination d’un hameau paumé de Normandie. Elle, l’éternelle femme de ménage, l’invisible, celle habituée à se taire, a hérité d’une bicoque enfouie sous la végétation. Elle s’y installe ou elle y fuit. Elle doit apprivoiser cette nouvelle existence, ne pas écouter les fantômes qui lui répètent que cette vie douce n’est pas pour elle, qui lui assurent qu’elle n’y arrivera jamais, s’habituer aux pièces, au petit confort et surtout au grand jardin qui se révèle au printemps, saturé de toutes ses merveilles. Cette nouvelle vie la confronte à des souvenirs anciens qu’elle croyait oubliés, mais qu’elle avait seulement enfermés. Mais la voici qui fait la connaissance d’une ado, qui a besoin d’un lieu à l’écart de ses parents qui ne comprennent rien. 


Parce qu’il y avait toujours eu des « des fois que » dans la réalité de sa vie comme dans ses vaines espérances, elle ne pouvait évidemment pas s’en déshabituer aussi vite.

 

Avec une étrange précipitation, elle se pencha par-dessus le battant, fit coulisser le loquet, repoussa la maigre porte à claire-voie, et, sans même protéger le visage de son bras replié, elle força quelques rameaux mêlés de ronces, passa de l’autre côté, échappant, échappant, mais à qui, mais pourquoi ?


Le roman raconte un printemps, un été et donne un aperçu des années qui suivent.

C’est joli, c’est délicat, c’est silencieux, on fait son trou à l’écart des autres, bien à l’abri.

 

Je n’ai pas grand-chose à voir avec Mariette, moi l’intello privilégiée vivant en ville, mais j’avoue entretenir un lien très fort avec « ma » maisons – qui ne sera mienne que durant le temps où j’y vivrai. Lieu de refuge, d’apaisement, d’identité. Mon jardin est minable et il n’est pas certain qu’un jour il soit luxuriant, mais les tourterelles y viennent avec confiance. 

Alors j’ai bien aimé.

Morisot, Le jardin à Bougival, 1884, Marmottan
 


Non pas un coquelicot, en réalité, mais ce qui semblait un champ entier de coquelicots. Un matin, dans l’herbe haute préservée entre la maison et le marronnier, commença à éclore une splendeur du rouge le plus vif, du rose le plus tendre. Les seconds fanaient en quelques heures mais ils étaient les plus prolifiques, vague après vague d’un jaillissement continu de frêles pétales. Tous s’entendaient à danser dans l’herbe sous le moindre souffle de vent. Et leur balancement ténu dilatait un espace qui n’avait certes pas les dimensions d’une prairie mais en avait l’insouciance, les frémissements et la face rieuse tournée vers le ciel.

 

Une autrice.



2 commentaires:

Claude a dit…

Bonjour, merci pour ce billet, je ne connais pas du tout l'auteure, je vais me procurer le livre car je pense qu'il me plaira. Claude

nathalie a dit…

@Claude : c'est un joli petit livre (surtout dans son édition grand format, qui est très raffiné).