La vraie vie, la vie enfin découverte et éclaircie, la seule vie par conséquent réellement vécue, c'est la littérature.



jeudi 14 mars 2024

Il y a douze ans que je ne suis pas venu dans nos montagnes, entre-temps il y a eu la fin du monde.

 


Boris Pahor, Place Oberdan à Trieste, recueil de nouvelles, écrites de 2003 à 2017, traduit du slovène par Andrée Lück Gaye (ainsi que par Antonia Bernard), édité en France par Pierre-Guillaume de Roux.

L’éditeur ne mentionne pas les dates des publications originales des nouvelles, ni leur provenance. J’en suis profondément agacée.

 

La première nouvelle raconte un jeu de gamins, pendant la guerre (la Seconde) à Trieste, un jeu qui consiste à voler du charbon pour chauffer la maison, un jeu qui peut vous coûter la vie.

La deuxième raconte une conversation entre hommes, sur un bout de trottoir. L’un raconte sa naissance, pendant la guerre (la Première), une histoire tragique et absurde. Il est brièvement fait mention de Malaparte et d’un sinistre panier (pendant la Seconde guerre).

 

Entre les deux rangées d’arbres, le chemin asphalté était jonché de feuilles mortes. Déchiquetées par l’humidité et les pas, elles formaient une mixture jaunâtre qui couvrait le sol. On aurait dit qu’on avait saupoudré de safran l’avenue qui montait légèrement, presque insensiblement, jusqu’au théâtre Rossetti et même plus haut en direction de Vrdela.

 

La troisième nouvelle s’intitule Place Oberdan. Le narrateur, que l’on devine être Pahor lui-même, raconte une autre histoire de la place, qui commence avec l’incendie de la Maison de la culture slovène, qui se poursuit avec les prisons où les nazis procédaient à leurs interrogatoires, et puis avec les pendaisons slovènes et italiennes.

La quatrième est un dialogue entre deux chiens, après ou pendant une guerre.

La cinquième raconte ce qu’ont pu voir les yeux de Pahor, dans les camps, celui du Sruthof, pendant la guerre, des yeux humiliés par tout ce qu’ils ont dû regarder.

La sixième est une histoire entre un jeune homme intimidé et une jeune femme, une danseuse. Ils n’osent pas se le dire, mais ont-ils besoin de parler ?

La septième raconte un jeune homme qui se remet de la guerre, auprès d’une jeune femme, dans la nature et dans les champs. Ils sont tous les deux de langue slovène. Il pense que les femmes sont loin des horreurs de la guerre, mais elle raconte l’exil dans le Piémont, et comment les Italiens ont tué son frère. Mais il y a le soleil et la mer, et l’espoir d’être à deux et revivre ensemble.

La huitième est une conversation à l’infirmerie au camp de Dora (c’est la Seconde) (ce camp est une dépendance de Buchenwald, me dit Wikipédia).

 

Heureuse, ai-je pensé, la jeune fille qui n’a pas été atteinte par les horreurs de la guerre. Mille fois heureuse. Et heureux moi qui suis près d’elle alors que l’air bourdonne dans un souffle tiède et que le gris de la mer est sans limite. C’est pourquoi j’ai appelé à mon secours cette immensité humide qui, çà et là, gardait la mémoire de légères taches mauves.

 


Goldsworthy, River of Earth, 1999, argile, Musée de Dignes

Trieste est seulement à l’arrière-plan, mais les textes sont empreints de cette atmosphère particulière, entre Italie et Slovénie, marquée par les souvenirs des guerres et des affrontements, d’une mélancolie poétique, et des éclats de vie portés par les personnages.

  

Je découvre Pahor, mais j’ai noté ses autres titres, je compte bien continuer à le lire.



 

7 commentaires:

  1. j'ai très peu lu cet auteur et je ne suis pas fan de nouvelles mais je vais voir si j'ai un roman de lui dans ma longue pile

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  2. A propos de Trieste Rumiz vient de sortir un nouveau livre traduit en français

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  3. @Dominique : j'ai aussi ses deux livres témoignages après la Seconde guerre.

    @Miriam : Décidément... quelle ville littéraire !

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  4. J'avais pareillement été agacée en lisant le recueil "Arrêt sur le Ponte Vecchio" - les dates de publication, ce n'est quand même pas anodin (surtout pour un homme dont la période d'écriture a duré si longtemps)!
    Mais je retiens surtout la similarité des themes avec les nouvelles dudit Arrêt, notamment Place Oberdan qui (si je comprends bien) prend un point de départ similaire mais le développe d'une manière différente que dans "Un bûcher dans le port".

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  5. @Passage : Je pense que plusieurs de ses recueils sont complémentaires. J'ai aussi deux volumes plus épais en stock.

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  6. Jamais lu cet auteur ! je vois que tu retournes en ce mois de mars au pays de l'Est.

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  7. @Claudia : oui, quatre billets directement concernés et deux indirectement. Il faut dire que j'ai des réserves à écluser !

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