Pierre Loti, Le Roman d’un enfant, 1890.
Dans ce livre, Loti raconte ses souvenirs d’enfance depuis son plus jeune âge jusqu’à celui où il décide d’entrer dans la Marine. Le récit est chronologique, mais pas continu. Les fragments et les moments se suivent. Et c’est tout à fait charmant.
Au début de l’existence, mon histoire serait simplement celle d’un enfant très choyé, très ténu,très obéissant et toujours convenable dans ses petits manières, auquel rien n’arrivait, dans son étroite sphère ouatée, qui ne fût prévu, et qu’aucun coup n’atteignait qui ne fût amorti avec une sollicitude tendre.
Il y a l’enfance dans la maison en ville, Rochefort n’étant jamais nommé, les vacances dans l’île (d’Oléron), et surtout les rêveries poétiques d’un garçon imaginatif, qui aime les histoires et les contes. Loti écrit âgé, alors qu’il est un auteur reconnu, et porte un regard volontiers mélancolique sur ces années où il se tenait éloigné du monde réel. Rien n’est dit des épreuves que traversera plus tard la famille, même s’il y est fait allusion. Nous sommes dans une tentative de retrouver ce monde de l’enfance, un roman donc.
Quand je regardais les hommes d’un certain âge qui m’entouraient, et que je me disais : il faudra un jour être comme l’un d’eux, vivre utilement, posément, dans un lieu donné, dans une sphère déterminée, et puis vieillir, et ce sera tout… alors une désespérance sans bornes me prenait ; je n’avais envie de rien de possible ni de raisonnable ; j’aurais voulu plus que jamais rester un enfant, et la pensée que les années fuyaient, qu’il faudrait bientôt, bon gré, mal gré, être un homme, demeurait pour moi angoissante.
Il y a des phrases tendres pour sa mère et pour tous les autres membres de sa famille.
On trouve une famille de marins, avec des marais salants, la piété huguenote, les objets rapportés des lointains mystérieux, et surtout tous les jeux des enfants (celui de la chrysalide notamment).
Devant moi, quelque chose apparaissait, quelque chose de sombre et de bruissant qui avait surgi de tous les côtés en même temps et qui semblait ne pas finir ; une étendue en mouvement qui me donnait le vertige mortel… Évidemment c’était ça ; pas une minute d’hésitation, ni même d’étonnement que ce fût ainsi, non, rien que de l’épouvante : je reconnaissais et je tremblais. C’était d’un vert obscur presque noir ; ça semblait instable, perfide, engloutissant ; ça remuait et ça se démenait partout à la fois, avec un air de méchanceté sinistre. Au-dessus, s’étendait un ciel tout d’une pièce, d’un gris foncé, comme un manteau lourd.
Très loin, très loin seulement, à d’inappréciables profondeurs d’horizon, on apercevait une déchirure, un jour entre le ciel et les eaux,une longue fente vide, d’une claire pâleur jaune…
Pour la reconnaître ainsi, la mer, l’avais-je déjà vue ?
Goeneutte, Portrait de Jean Buhot à 6 ans, 1891 Cherbourg |
Je n'ai jamais lu Pierre Loti :-(
RépondreSupprimerUn Pierrre Loti que je ne connaissais pas. merci de le signaler!
RépondreSupprimer@Sandrine : je crois que c'est mon premier ! Les textes sont gratuits en numérique et j'ai eu l'attention attirée sur lui par une série d'émissions de France Culture l'année dernière, même si j'avais déjà visité sa maison. Je me méfie des textes orientaux-colonialistes, je ne suis pas sûre d'apprécier autant.
RépondreSupprimer@miriam : il devrait te plaire.
Je ne suis pas originale mais je commencerais sans doute par "Pêcheur d'Islande " si je lis Pierre Loti un jour.
RépondreSupprimer@JeLisJeBlogue : je ne sais même pas si je l'ai lu !
RépondreSupprimerC'est rare que les enfants aient peur de grandir. Souvent ils pensent qu'ils seront plus libres quand ils seront adultes ! J'ai lu Pecheurs d'Islande et Ramuntcho mais pas ces souvenirs.
RépondreSupprimer@Claudia : C'est un récit original sur l'enfance. Je crois pas avoir lu ses titres phares.
RépondreSupprimerje n'ai jamais rien lu de lui non plus, à découvrir !
RépondreSupprimer@Eimelle : classique orientaliste, colonialiste, un peu daté, mais un auteur intéressant.
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