Je débute cette série de billets monographiques d’artiste par une star, Jean-Baptiste Camille Corot (1796-1875), célèbre paysagiste.
Corot fut élève du peintre Achille-Etna Michallon qui est connu pour, outre ses magnifiques prénoms, avoir été le premier lauréat du prix de Rome (celui qui vous emmène à Rome à la villa Médicis) avec un paysage historique. Cet apprentissage fut important. Corot a également reçu l’enseignement de Pierre-Henri de Valenciennes, autre grand paysagiste.
Corot se rend en Italie pour se former, sans doute à ses frais (il est de famille aisée). Il voyage également en France et il en représente les paysages. C’est l’époque où les artistes cherchent les sites « pittoresques », c’est-à-dire dignes d’être peints. Ah le pittoresque ! On trouve donc des peintures de la Creuse, de la Normandie, de l’Auvergne, etc. parmi ses paysages. Et puis, évidemment, Barbizon !
Il faut dire aussi du bien de Corot parce qu’il a soutenu financièrement le peintre Daumier, la veuve de Millet et les pauvres de Paris.
Si aujourd'hui on connaît surtout ses paysages, un coup d'oeil à la page Wikipedia montre beaucoup de portraits, de scènes historiques et mythologiques. C'est un peintre complet.
Tivoli, les jardins de la villa d'Este (1843 Louvre). Ça, c'est la jeunes... pardon la quarantaine au soleil. Assez différent des dégradés brumeux des étangs. Le soleil dessine des ombres bien nettes et un étagement clair des plans, qui ne seraient pas reniés par les peintres du début du XXe siècle. C'est toute la douceur du climat italien qui se joue dans ce coin à l'ombre des grands arbres, devant les collines un peu violettes.
Une matinée, la danse des nymphes (1850 Orsay). Ce que l'on appelle un paysage historique, à prétexte mythologique. Évidemment l'essentiel ce sont ces grands arbres, ces minuscules feuilles qui se détachent sur le ciel, les petites touches de lumière et cette grande clairière qui s'ouvre et où les figures humaines apportent de la couleur et du mouvement. Ici le traitement du paysage se veut réaliste, même si l'adjonction des nymphes apporte du mystère et de l'allégresse et si le rendu de l'atmosphère est élégamment poétique.
Rue à Coulommiers (1871, Rouen BA). J'avoue, un des plus beaux paysages pour moi, avec cette longue perspective très douce - est-ce que l'on ne distingue pas le faux plat du chemin qui s'abaisse et remonte à l'horizon ? Les figures nous tournent le dos - comme souvent chez Corot. Le spectateur reste à l'extérieur de l'image, impossible pour lui de joindre un des personnages. Il y a l'agencement des couleurs, de gris, de bleu, de vert, de brun, et le contraste entre les lignes rigoureuses et fermes des troncs d'arbres, des constructions et de la route avec le duveteux de la végétation, qui recouvre sans couvrir. C'est du grand art.
Le matin ou la Gardeuse de vaches (1865 Orsay). Un paysage au rendu tremblotant (on a toujours l'impression d'avoir de la poussière sur son écran d'ordinateur avec cette peinture là), mais construit avec assurance. Les grandes masses colorées se détachent, tout comme les minuscules couleurs des vaches et de leur gardienne.
C'est toujours une peinture très structurée. L'étagement des plans permet au peintre des jeux de lumière, entre les feuilles qui prennent le soleil et celles qui restent à l'ombre. L'ensemble produit une atmosphère tout à fait unique.
Paysage (Caen). Un petit paysage tout simple, bien dans la manière de l'auteur. En dépit de la douceur des couleurs, les différents plans se distinguent très bien : les falaises mauves à l'horizon, le ciel avec ses grands nuages, la mer et le rivage, le chemin dans l'herbe, les arbres et les deux minuscules figures. Les taches rouges des maisons et le jaune du fichu.
Le saviez-vous ? Corot a réalisé pas mal de portraits. J'ai vu une exposition il y a quelques années sur le sujet et j'ai donc tout un petit stock à vous montrer. D'abord cette Dame en bleu (1874, Louvre) avec une femme qui prend la pose en grande tenue, mais pensive, détournée du peintre et du spectateur, peut-être dans l'atelier de l'artiste, mélancolique. L'ensemble de teintes brunes (du décor jusqu'à la peau) se marie harmonieusement avec le grand bleu de la robe.
Femme lisant (1869, Metropolitan). Elle pourrait être une de ces minuscules figures des paysages de Corot. On ne verrait d'elle que le bleu de la manche et l'infime ligne rouge du ruban. Lectrice absorbée, absente au spectateur.
Homme en armure (1868 Orsay). Chevalier de théâtre ou de peinture qui se repose entre deux tirades ou deux séances de pose. N'empêche que l'armure est impeccablement rendu, comme chez tout grand peintre d'histoire qui se respecte, avec ses lumières blanches, ses ombres noires et ses reflets colorés. C'est qu'un grand tissu rouge illumine l'arrière-plan.
Avez-vous remarqué comme les personnages de Corot sont pensifs ? On n'est pas dans le portrait d'apparat, celui qu'on campe dans le salon, mais avec des oeuvres plus intimistes, à mi-chemin du portrait et de l'anecdote.
Jeune femme (Mme Legois) assise des fleurs entre les mains (j'ai manifestement coupé le tableau) (1840, Vienne
Kunsthistorisches Museum ). Une jeune femme au corsage en partie défait qui regarde le spectateur les yeux vides. Elle se détache sur le fond neutre comme dans la peinture espagnole. Évidemment, c'est cette couleur vermillon qui frappe, bien loin des paysages délicats, grisâtres et maniant les verts et les gris. Mais Corot a réalisé ce tableau quand il avait 40 ans, il y a 20 ou 30 ans d'écart avec les oeuvres qui nous sont plus familières. Le dessin est net et la couleur claque, avec des ombres et lumières nettement affirmées.
Moine blanc lisant (1865 Zurich Fondation EG Bührle). Un moine aux couleurs du paysage. La figure massive est grise et comme fondue dans ce qui l'entoure. Et il est encore plongé dans un livre.
Moine italien assis lisant (1826 Buffalo Albrigt-Knox art gallery). Une étude réalisée à 30 ans ! Très charpenté et bien découpé, avec des couleurs rapidement posées mais qui rendent bien la physionomie de cet énigmatique lecteur.
La semaine prochaine, un autre artiste - très très différent.
En effet, ces tableaux sont de styles bien différents pour mon oeil. L premier, début 20è, oui on pourrait se tromper.
RépondreSupprimer(et j'ai bien remarqué les prénoms... ^_^)
Bon, là je suis avec Monet, on ne rigole pas.
Monet, c'était en 2021 je crois sur le blog, quand j'avais fait une série impressionniste.
SupprimerFaudra que j''aille voir. Mais j'ai eu les nymphéas, Caillebotte, Giverny, Rouen, Honfleur (et Boudin) en peu de temps, c'était chouette. Et je lis le dernier Bouillier.
RépondreSupprimerj'ai vu certains de ces tableaux il y a quelques temps à Marmottan
RépondreSupprimerhttps://netsdevoyages.car.blog/2018/03/15/corot-le-peintre-et-ses-modeles-a-marmottan/
Ah c'est à cette expo que j'ai photographié les portraits.
SupprimerC'est vrai que le Corot des portraits est moins connu surtout celui de la jeune femme en corsage rouge ! Le rendu des étoffes dans le portait de la femme lisant est fabuleux.
RépondreSupprimerIl a peint la femme au corsage rouge avant même d'aller en Italie, il débutait alors et n'avait pas encore son style "canonique".
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