La vraie vie, la vie enfin découverte et éclaircie, la seule vie par conséquent réellement vécue, c'est la littérature.



samedi 1 mars 2025

Rosa Bonheur

 

Rosa Bonheur (1822-1899) est une peintre française remarquable.

Issue d’une famille d’artistes (le père est peintre et fut ami de Goya et les frères et sœurs sont peintres ou sculpteurs), elle commence à exposer en 1841 et rencontre rapidement le succès avec des tableaux d’animaux, sa grande spécialité.


Copie plus petite du Marché aux chevaux réalisée par Bonheur avec Nathalie Micas (1855 Londres NG).

L’immense tableau Le Marché aux chevaux (2,44 sur 5 mètres) date de 1853 et la rend célèbre. Son agent achète le tableau et l’expose dans plusieurs pays. La peinture est finalement achetée par un collectionneur américain (ce qui explique qu’elle se trouve désormais au Metropolitan de New-York).

J'ai eu la chance de voir cette copie originale. On y voit un tourbillon d'hommes et de percherons. Au vu des dimensions de la toile, l'effet est saisissant.


En 1860, Bonheur s’installe à By (Seine-et-Marne) avec Nathalie Micas, sa première compagne (après la mort de celle-ci, elle vit avec Anna Klumpke, une peintre américaine). Elle fait aménager un atelier et des espaces pour des animaux. Elle possède en effet une véritable ménagerie : lion, lion, cerf, gazelle, chevaux, etc.

Miriam a proposé en 2022 un billet sur le château de By si vous voulez en savoir plus.


Étude de bisons (crayon et aquarelle, château de By). Une très belle étude de l'animal, très simple avec ces grandes masses brunes.


Étude de pattes de lion (fusain et craie, collection privée). Regardez cette observation très réaliste et détaillée du félin. Voilà pourquoi ses peintures sont aussi criantes de vérité.

Labourage nivernais ou Le Sombrage (1849, Orsay). La lumière est très belle, dorée et intense, et la couleur épaisse. Les sillons de terre sont incroyablement rendus. Il s'agit du premier tableau commandé à l'artiste par l'État, tout au début de sa carrière.



Le Berger des Highlands (1859, Hambourg Kunsthalle). Dans une atmosphère plus vaporeuse et poétique, un homme se tient à contre-jour, à la tête de son troupeau. On devine la silhouette et les éléments du costume (l'accent étant mis sur les éléments pittoresques). Il y a aussi toute cette lande rouge à l'arrière-plan.

Nous avons aussi une immense Foulaison en Camargue avec des chevaux qui tournoient, laissé inachevé par la mort de la peintre, mais j'avoue un faible pour les études.

Quatorze études de cerfs (aquarelle, Orsay). On comprend que Bonheur a mis à profit sa ménagerie et a passé du temps à observer les attitudes et comportements des bêtes, à les noter, griffonner, peindre, sans relâche. C'est un art de l'observation, mais aussi d'une certaine transfiguration, le but étant de parvenir à des tableaux qui magnifient l'animal.

Notre propre goût nous pousse davantage vers les dessins et les aquarelles, avec leur part d'estompe, d'incertain et d'inachevé, mais le public du XIXe siècle réclamait des peintures bien finies.



Études de lions (Roubaix, Piscine, dépôt du musée de Cambrai). Hop. Les pattes, de dessus, de dessous, couché, debout, de face, de profil...


El Cid (1879 Prado). Ce n'est pas un lion, c'est LE lion. Il est magnifique et souverain, servi par une belle lumière chaude.
Tête de lion (1870-1891, The Royal Collection Trust). Un profil tout aussi impérial, mais où toute la place est faite à la crinière et à ce dégradé de couleurs, du blanc au brun, en passant par le roux.


Le Roi de la forêt (1878, collection privée). Et voici le cerf replacé dans la forêt de Fontainebleau.
Eau-forte de William Simmons d'après la peinture Le Vieil invalide (1882, Nice musée Chéret). Parce qu'elle a aussi portraituré les chiens et les ânes, leur donnant la même dignité qu'aux lions et les considérant avec le même sérieux que toutes les autres créatures.

Georges Achille-Fould, Rosa Bonheur dans son atelier (1893 Bordeaux BA). On voit la peintre quelques années avant sa mort, au faîte de sa carrière. Elle-même porte la crinière romantique commune aux écrivains et artistes de son temps.

Le petit bazar programmatique de l'atelier d'artiste contient : un buste en plâtre, de petites sculptures de cerf et de chamois, des peaux de bêtes, des dessins et des peintures sur le sol. À gauche, on voit l'esquisse de la grande Foulaison en Camargue. Bonheur porte une blouse de travail et un pantalon (autorisation de port du pantalon dument accordée par la préfecture de Paris). Elle est train de mettre la dernière touche à un tableau de lions et ce n'est pas une façon de dire : si Achille-Fould a réalisé tout le tableau, c'est elle qui a peint les fauves !


Bonheur a toujours fait en sorte de veiller à son indépendance financière (déjà, en ne se mariant pas). Elle peint pour de riches collectionneurs américains, fait reproduire ses peintures en gravure par la maison Goupil et fait diffuser des photographies et des entretiens d’elle afin d’assurer sa promotion. Au XIXe siècle, les artistes, les galeristes et divers intermédiaires organisent de véritables tournées pour montrer les oeuvres d'art, faire connaître les artistes, trouver des acheteurs (publics ou privés) et faire augmenter les prix de vente.


J’ai eu le plaisir de visiter, en compagnie d'Ingannmic, l’exposition que le musée de Bordeaux a consacrée à Rosa Bonheur en 2022 (exposition ensuite reprise à Orsay). C’est là où nous nous sommes rencontrées et où j’ai pris toutes ces photos.

La semaine prochaine, un autre artiste.



10 commentaires:

  1. J'avoue ne connaître que ses tableaux à Orsay. Avec ton billet, je suis frappée par les détails bien sûr mais aussi par la lumière! Les lions sont très bien!

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    1. Je n'avais pas trop fait attention à ses tableaux à Orsay, noyés dans la masse je pense. L'expo m'a permis de bien l'individualiser.
      Et oui, des tableaux avec une couleur chaude, dorée. Et une grande coloriste.

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  2. Le Labourage nivernais est particulièrement bluffant. De loin, on pourrait penser à une vieille photo.

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    1. Oui, c'est un grand tableau et quand tu as les sillons sous les yeux, c'est fou ! ils sont là.

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  3. C'est magnifique ! Pourquoi cette peintre n'est-elle pas plus connue ?!

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    1. Plusieurs raisons (je ne les connais pas toutes). C'est UNE peintre. Elle représente des animaux (sujets pas importants). Elle ne s'inscrit pas dans les courants de modernité du XIXe siècle (le romantisme à la Delacroix, l'impressionnisme, le réalisme à la Courbet). C'est au contraire une peinture qui est sentie comme provinciale et qui sent son marchand de chevaux et son musée des beaux-arts poussiéreux, donc peu revendiquée par les jeunes peintres et les tenants de la modernité en peinture. Plusieurs de ses toiles se trouvent aux États-Unis (dont des collections privées) et sont peu connues en Europe. Moi-même je n'avais pas repéré qu'il y avait des tableaux à Orsay (faut dire que le XIXe siècle est très riche). Mais oui, pendant longtemps, on connaissait plus les vaches de Boudin ou de Troyon que les chevaux de Bonheur. Depuis quelques années, heureusement, cela a changé.

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  4. j'aime beaucoup son travail, j'avais vu un reportage passionnant il y a quelques années, son lion est particulièrement saisissant !

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    1. Oui cet animal est absolument magnifique.

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  5. Ah oui, très bon souvenir cette exposition. Depuis, certaines reproductions "grandeur nature" ont été laissées dans un centre commercial du centre-ville, notamment une du Marché aux chevaux. C'est mieux que des affiches publicitaires..

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    1. Ah oui c'est une bonne initiative en effet.

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