René Perrot (1912-1979) est un artiste français, auteur de peintures, tapisseries, céramiques et de gravures.
Il suit des études artistiques, il est mobilisé au début de la Second guerre, puis rendu à la vie civile. Grâce à Georges-Henri Rivière (Musée des arts et traditions populaires), il intègre les Chantiers intellectuels des ATP. Dans ce cadre, les artistes sont envoyés dans les campagnes pour témoigner des pratiques rurales. Cette démarche se situe à mi-chemin de l’art et de l’ethnologie. Il se rend ainsi dans le Massif central, dans le Doubs et à Collioure et produit plusieurs centaines de dessins (aujourd’hui conservés au Mucem).
Perrot a également réalisé environ 400 cartons de tapisserie pour des commandes publiques ou privées. Il contribue ainsi au renouveau de la tapisserie française (aux côtés de quelques-uns, dont Lurçat dont il sera bientôt question sur ce blog).



Comme à la fête. Cette série de linogravures a été réalisée en 1939, mais elle représente la Première guerre mondiale, par un parallèle glaçant entre des scènes de cirque et de spectacle et des scènes de guerre (je vous montre seulement trois séquences mais il y en a davantage). La première image s'intitule "L'équilibre. Le funambule". Un soldat lourdement chargé passe une tranchée en équilibre précaire sur une planche tandis qu'un funambule danse sur un fil en haut d'un chapiteau. "Les trois masques" met face à face trois soldats rendus monstrueux par masques contre les gaz et les personnages de la commedia dell'arte. L'image du bas représente "l'accident" : un soldat étreint un camarade tandis qu'un tambour porte une petite acrobate.
Le noir et blanc et les traits schématiques sont ici au service d'un rendu très expressif.
Femme portant des fagots à Collioure (1945, mine de plomb et encre, Mucem). Une série de dessins représente la vie quotidienne difficile des campagnes durant cette période de guerre et alors que la modernisation a tout juste commencé. Ici les efforts pénibles de ces deux femmes.
Intérieur dans le Cantal (1944, mine de plomb et encre, Mucem). On retrouve ici la démarche des Arts et traditions populaires : collecte des objets et des outils, recueil de témoignages, documentation des gestes et des usages par la photographie, l'observation, les entretiens, mais aussi le dessin, qui synthétique davantage que la photographie et rend plus lisible la réalité.
Les ravaudeuses de filet à Collioure (1945, mine de plomb et encre, Mucem). À mi chemin de la description ethnographique et de la démarche artistique, ces femmes semblent posées là. Leurs membres et leurs visages disparaissent et à vrai dire, on a l'impression qu'il s'agit cinq fois de la même femme, vu sous des angles légèrement différents. Il s'agit pourtant aussi du travail collectif essentiel de l'entretien des filets pour la pêche, une activité vitale pour toute les familles.
Maison du sabotier Bécoulet (1943, gouache, Mucem). Là, on est dans le Doubs, aucun doute. Une belle demeure ancienne sur la place du village, dans un décor hivernal stylisé, aux couleurs douces et joyeuses.
Paysage enneigé (gouache, 1957, collection privée). Toujours le Doubs, mais sous une neige épaisse. Les chiens poursuivent un sanglier et des oiseaux se posent sur les minces éléments du paysage. Ce grand vide blanc met très bien en valeur le groupe d'habitations.
Dans un fossé de mon village (tissé par l'Atelier Lauer à Aubusson, 1955, collections du Mobilier national). Ceci est un détail d'une grande tapisserie représentant toute sorte de plantes et d'insectes. C'est incroyablement lumineux et plein de vie - en contraste avec la simplicité suggérée par le titre.
La Sagesse (carton de tapisserie, 1957, gouache, collection du Mobilier national). J'aime bien les chouettes et les hiboux et Perrot aussi, car il a réalisé plusieurs cartons de tapisserie pour cet animal. Ici, notre hibou, aux grands yeux comme des lunettes, aux grands yeux étonnés, symbole de la sagesse comme le ferait une petite chouette d'Athéna, est cerné par les papillons. Une variation sur le motif de la chouette moquée par les autres oiseaux, où le rapace reste stoïque. Là encore, des couleurs très lumineuses.
Le Mucem lui a consacré une exposition en 2023 et c'est à cette occasion que je l'ai découvert.
La semaine prochaine, une grande peintre.
Je préfère les peintures aux linogravures. Ce n'est pas seulement à cause des sujets traités.
RépondreSupprimerIl a un sacré sens de la couleur dans ses peintures.
SupprimerGrande découverte! J'aime bien ces parallélismes...
RépondreSupprimerJe trouve ça original comme approche.
SupprimerUne vraie découverte cette expo au Mucem l'an passé. Chroniqué sur mon blog
RépondreSupprimerC'est vrai que tu étais à Marseille l'hiver dernier.
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