La vraie vie, la vie enfin découverte et éclaircie, la seule vie par conséquent réellement vécue, c'est la littérature.



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vendredi 23 décembre 2016

Car la poésie ne fait rien arriver : elle survit.

W. H. Auden, « À la mémoire de W. B. Yeats. Mort en janvier 1939 », 1939, dans Poésies choisies, traduit de l’anglais par Jean Lambert.

Il disparut en plein cœur de l’hiver :
Les ruisseaux étaient gelés, les aérodromes presque vides
Et la neige défigurait les statues municipales ;
Le mercure tomba dans la bouche du jour mourant.
Les instruments dont nous disposons conviennent
Que le jour de sa mort fut un jour sombre et froid.

Loin de sa maladie
Les loups couraient toujours au milieu des sapins,
La rivière rustique dédaignait les quais élégants,
Les langues affligées
Cachèrent la mort du poète à ses poèmes.

Mais pour lui, ce fut le dernier après-midi où il était lui-même,
Un après-midi d’infirmières et de rumeurs ;
Les provinces de son corps se révoltaient,
Les places de son esprit étaient vides,
Le silence envahit les faubourgs,
Le courant de ses sensations fut coupé ; il devint ses admirateurs.





dimanche 13 décembre 2015

Ô voyageur, ô savant, ô poète

W. B. Yeats, Byzance, l’autre rive, 1928.

Non, ce pays
N’est pas pour le vieil homme. Garçons et filles
À leur étreinte, et les oiseaux des arbres,
Ces profusions de la mort, à leur chant,
Les cataractes de saumons, les mers
Gonflées de maquereaux, tout, ce qui nage,
Vole, s’élance, tout dans l’été sans fin
Célèbre concevoir, naître et mourir.
Prise dans la musique des sens, toute vie néglige
Les monuments de l’incoercible intellect.

L’homme qui a vieilli n’est qu’une loque,
Un manteau déchiré sur un bâton, à moins
Que l’âme ne batte des mains et ne chante, toujours plus fort,
À chaque accroc nouveau du vêtement mortel.
Or, il n’est pour le chant qu’une école, lire
Les monuments où l’âme a sa splendeur,
Et c’est pourquoi j’ai franchi les mers, et je suis venu
À la ville sainte, Byzance.

Poème extrait du recueil Quarante-cinq poèmes, traduit de l'anglais par Yves Bonnefoy.

En raison d'un déménagement et d'une connexion internet pleine de suspense, je vous laisse avec ce poème, qui vous donnera l'origine d'une formule bien connue.

dimanche 22 novembre 2015

Comme l’araignée d’eau sur l’eau, son esprit va le silence.


W. B. Yeats,  L’île sur le lac, à Innisfree, 1890.

Que je me lève et je parte, que je parte pour Innisfree,
Que je me bâtisse là une hutte, faite d’argile et de joncs.
J’aurai neuf rangs de haricots, j’aurai une ruche
Et dans ma clairière je vivrai seul, devenu le bruit des abeilles.

Et là j’aurai quelque paix car goutte à goutte la paix retombe
Des brumes du matin sur l’herbe où le grillon chante,
Et là minuit n’est qu’une lueur et midi est un rayon rouge
Et d’ailes de passereaux déborde le ciel du soir.

Que je me lève et je parte, car nuit et jour
J’entends clapoter l’eau paisible contre la rive.
Vais-je sur la grand route ou le pavé incolore,
Je l’entends dans l’âme du cœur.

Poème présent dans le recueil Quarante-cinq poèmes, traduit de l'anglais par Yves Bonnefoy. Le point sur Innisfree.

Ingres qui fait des lignes.