La vraie vie, la vie enfin découverte et éclaircie, la seule vie par conséquent réellement vécue, c'est la littérature.



samedi 5 novembre 2011

Savoir, ça picote dans le cœur comme si un oiseau tapotait dessus avec son bec, à petits coups répétés.

Estelle Nollet, Le Bon, la brute, etc., Paris, Albin Michel, 2011.

Il n’y a décidément guère de doute à avoir, Estelle Nollet est un grand écrivain. Ceux qui gémissent sous prétexte que la littérature française contemporaine serait faiblarde et nombriliste n’ont qu’à se mettre à lire.

Ce roman est un road-book, le récit de l’errance d’un couple, Bang et Nao.
Bang est un jeune homme affublé d’un don encombrant : ceux qui croisent son regard ne peuvent s’empêcher de révéler un secret honteux (un cuisinier crachant dans les plats, une mère n’aimant pas ses enfants, un vendeur d’armes…). À cause de cela, ses parents l’ont abandonné, il n’a jamais été adopté et n’a aucun ami. Il s’obstine à regarder le sol et uniquement le sol.
Noa… mais ce n’est pas son nom, c’est une menteuse, elle est insensible au pouvoir de Bang, mais est atteinte d’une maladie incurable. Elle n’a pas beaucoup de temps devant elle et veut vivre, voir les migrations de papillons et les pyramides incas.
Ils partent sur les routes, ensemble, pour quelques mois de folie.

Une fois encore la langue de Nollet. Un vocabulaire riche et varié, quelquefois violent, respirant la vie et la sincérité. Ce roman est porté par un souffle et absorbe véritablement le lecteur. Comme dans On ne boit pas les rats-kangourous on trouve cette infime touche de fantastique, qui apparaît comme une simple anomalie, pas plus, mais qui enferme les personnages dans une forme de destinée.
  
Dans les rues il marchait toujours la tête baissée et il se demandait si l’attraction terrestre allait finir par les aspirer, ses yeux, s’ils allaient se décrocher dans un petit cri et tomber, deux globes d’un blanc laiteux sur le bitume, leur cornée s’y éraflant et leurs iris bleus trempant dans une flaque de boue, roulant dans le liquide terreux, piétinés par mille semelles, explosant comme des raisins. Mais ils ne tombaient pas.


Grand merci à Asphodèle qui m'a envoyé ce livre, un véritable coup de poing pour elle et je suis bien d'accord ! Également l'avis de Lili Galipette.


6 commentaires:

Anonyme a dit…

Que rajouter ?
Peut-être, dans ces deux extraordinaires romans, sous la lecture au premier degré,la profonde réflexion dans laquelle ils nous plongent, mine de rien.

nathalie a dit…

Merci Anonyme ! c'est vrai et j'ajouterai encore qu'il s'agit de livres à relire, car les personnages ont peut-être l'air simple aux premières lignes, mais ils se révèlent progressivement bien plus riche.

Asphodèle a dit…

Tu as aimé ! C'est vraiment un livre que je relirai encore et encore ! Tu en as très bien parlé et je vois que nous avons la même opinion sur le talent d'Estelle Nollet ! A quand le Goncourt pour cette littérature qui décoiffe et qui a un sens !

nathalie a dit…

Elle n'a pas besoin du Goncourt (alors que l'inverse est sans doute vrai).

Alex Mot-à-Mots a dit…

Allez, je le note, ene spérant qu'il soit dispo à la BM, car vous avez l'air vraiment convaincu.

nathalie a dit…

Oui Alex, on est plusieurs à vraiment apprécier cet auteur, il faut se lancer.