La vraie vie, la vie enfin découverte et éclaircie, la seule vie par conséquent réellement vécue, c'est la littérature.



mardi 25 décembre 2012

Je crois que j’ai compris à quoi servait la semaine : à se reposer de l’épreuve du dimanche.


Mark Twain, Le Rapt de l’éléphant blanc et autres nouvelles, Paris, Omnibus, 2010.


Une histoire particulièrement réussie est Le Journal d’Adam et Ève qui, loin d’être simplement anticlérical comme on pourrait s’y attendre, se moque gentiment des croyances simplistes et du récit originel en faisant de ces deux héros deux êtres seuls, unis par des liens d’affection véritable. C’est drôle, fin et attachant. Et on y apprend de drôles de choses sur la façon dont Adam a nommé les animaux :
Jamais je ne peux donner de nom à quoi que ce soit ; la nouvelle créature nomme tout ce qui se présente avant que j’aie pu protester. Et toujours avec le même prétexte : « Ça ressemble à… » Le dodo, par exemple. Elle dit que rien qu’à le voir, on sait tout de suite que « ça ressemble au dodo ». L’animal devra garder ce nom, le pauvre. Cette manie me fatigue et n’avance à rien, qui plus est. Le dodo ! Ça ne ressemble pas plus à un dodo que moi.
Car le journal d’Adam commence à l’apparition d’Ève, il ne possède pas d’histoire avant. Et les premiers temps de la cohabitation ne sont pas faciles, loin de là.

On y apprend aussi des choses sur les animaux du Paradis, sur le repos du dimanche (qui barbe Adam tant qu’il demeure au Paradis).
On suit aussi les suppositions qui agitent Adam à la découverte d’un être inconnu : 
la différence de taille porte à croire que c’est une nouvelle espèce d’animal, peut-être un poisson, quoique, quand je l’ai plongé dans l’eau pour vérifier ma théorie, il ait coulé.
Et puis, trois jours plus tard :
Ce n’est pas un poisson, mais je ne sais toujours pas ce que c’est. Il émet des sons diaboliques quand il n’est pas content et fait : « areuh areuh » quand il l’est. Il n’est pas des nôtres, puisqu’il ne marche pas ; ce n’est pas oiseau, puisqu’il ne vole pas ; ce n’est pas une grenouille, puisqu’il ne saute pas ; ce n’est pas un serpent, puisqu’il ne rampe pas. Je suis sûr que ce n’est pas un poisson, bien que je n’aie pas le droit de vérifier s’il peut nager ou non. Il se contente de rester où on le pose, le plus souvent sur le dos, les pattes en l’air. C’est le premier animal que je vois faire ça. J’ai dit à Ève que je pensais que c’était une énigme ; elle a admiré le mot, mais sans le comprendre. À mon avis, c’est soit une énigme, soit un insecte. S’il meurt, je l’ouvrirai pour examiner son mécanisme. Je n’ai jamais été aussi intrigué de ma vie. 
Adam finit par conclure qu’il s’agit d’un kangourou. Vous avez deviné ? Il s’agit d’un bébé, c’est Caïn. Cet épisode relève d’un exercice fréquent (déjà dans cet extrait) : la divagation sur les espèces indéterminées avec un usage populaire et approximatif des termes savants des sciences naturelles. Plusieurs personnages comme Adam ou les chiens ou les chevaux emploient de grands mots pour impressionner leur entourage, mots auxquels ils donnent à chaque fois des définitions différentes.

C’est une très jolie histoire sur les ancêtres mythiques des humains…

Twain par Beckwith, image Wikipedia

Traductions de : J.-F. Amsel, Renaud Bombard, Danièle Darneau, Patrick Dusoulier, Michel Epuy, François de Gaïl, Michèle Garène, Dominique Haas, Gabriel de Lautrec, Chloé Leleu, Delphine Louis-Dimitrov, Thierry Marignac, Pierre-François Moreau, Michel Philip, Andrew Poirier, Georges-Michel Sarotte
D’après l’édition de Charles Neider, The Complete Short Stories of Mark Twain, 1957. Certains textes avaient été publiés en français en 1930 et ont été revus pour la présente édition. Rassemble des textes écrits entre 1865 et 1916.

8 commentaires:

Marie a dit…

Je ne connais Mark Twain qu'à travers Tom Sawyer, lu quand j'étais petite, mais tes billets me donnent bien envie d'essayer.
Joyeux Noël!

nathalie a dit…

Merci Marie, parce que mes billets ne sont pourtant pas très écrits. Je pense que les nouvelles se trouvent en petits recueils, on n'est pas obligé de tout se farcir.
Et joyeux Noël à toi aussi (et à la bestiole).

catherine a dit…

Un livre à lire pour moi
nat ta recette à la guiness a eu du succés sans guiness avec de la bière ambrée à la chataigne castagnor ça ne s'invente pas!
à la bib la bio de twain t'attend je crois ! personne ne l'emprunte et je te vois bienla lire!
encore des bises

mazel a dit…

je le veux !!! j'adore ce genre d'histoire !!!!
joyeux noel
bises

Anonyme a dit…

Je vais me mettre à relire Proust et Twain .... tiens, tu m'as donné envie :) au fait et ta couronne de Noël, elle était réussie ? biz
Evelyne

nathalie a dit…

Catherine : mais je l'ai achetée la bio de Twain ! Justement, le volume va prendre la suite du recueil des nouvelles sur la table de nuit.
Mazel et Evelyne : je suis très heureuse de vous voir converties ! J'espère que vous allez aimer.
Evelyne, la couronne est réussie, les photos sont là :
http://chezmarketmarcel.blogspot.fr/2012/12/humeur-du-dimanche-soir-couronnons-de.html

Arieste a dit…

Ce livre a l'air très drôle :D

nathalie a dit…

voui !