La vraie vie, la vie enfin découverte et éclaircie, la seule vie par conséquent réellement vécue, c'est la littérature.



jeudi 28 mars 2013

Une soif inextinguible de monologue dont il semblait avoir hérité de Diderot en ligne directe.


Léon Gozlan, Balzac en pantoufles. Balzac chez lui, 1856 et 1862, multiples rééditions, le texte est chez Gallica.

Léon Gozlan est un marseillais, hommes de lettres aussi prolifique qu’oublié. Mais il a été l’ami de Balzac, sans doute son nègre, et a laissé deux ouvrages d’anecdotes sur son grand homme préféré. Ce n’est pas une grande plume littéraire mais c’est intéressant.

Le premier volume est le plus connu car il présente la maison des Jardies que Balzac occupa quelques années et décrit par de petites anecdotes ses efforts pour échapper aux créanciers, les rêves de grandeur, le rythme de vie et d’écriture de l’écrivain. Gozlan n’est pas historien et est peu soucieux d’exactitude, mais le portrait de Balzac reste haut en couleurs et attachant. Certains faits doivent être exacts comme celui où l’écrivain lit les enseignes de Paris à la recherche d’un beau nom de héros ou ses (vains) efforts pour obtenir un succès au théâtre.

Le second volume est centré sur la maison de Passy (où se trouve l’actuelle Maison de Balzac). Il relate d’abord les relations de Balzac et de la Société des Gens de Lettres et montre la haine que l’écrivain ressentait pour les journalistes et sa hantise de la critique – déjà évoqué dans le catalogue L’Artiste selon Balzac. Nous apprenons que Balzac était une grande victime des éditions pirates (belges). Gozlan raconte ensuite une visite à Montfaucon, où l’on « traitait » toutes les carcasses animales de la capitale : le recyclage de la chair des vieux chevaux sous diverses appellations n’est pas nouveau. C’est l’occasion pour Balzac de se documenter, et il est autant en proie à l’horreur qu’à la fascination face à ce qu’il découvre. Le dernier chapitre est le plus passionnant puisque Gozlan fait le récit d’une soirée à Passy entre Balzac et Vidocq. C’est d’autant plus intéressant que le portrait du face à face entre les deux champions de l’âme humaine est proprement balzacien, même si la plume de Gozlan est bien plus faible que celle de son modèle. Le récit de cette soirée est palpitant jusqu’à la dernière ligne, je vous encourage à le lire !


Malheureusement, rien ne peut rendre cette éloquence troublée, coupée, dentelée par des morsures dans la poire, par des chocs de couteau contre les assiettes et contre la table, par des éclaboussures de paroles, par des explosions de regards, par des commotions de bouteilles, par des tonnerres de malédictions et par des flammes d’ironie.

Et en plus on apprend que Balzac a pu entendre parler de Java par une certaine « madame de Bocarmé » qui décrit « ses monuments, ses monstres, ses splendeurs et ses effroyables maladies ». Mon billet sur le Voyage de Paris à Java.
Lithographie de Lemoine, représentant Gozlan, conservée au château de Compiègne, image RMN.

11 commentaires:

Lili Galipette a dit…

"la chair des vieux cheveux" ? :-D

Je note ce titre, j'aime beaucoup ce genre de texte.

nathalie a dit…

La faute de frappe est corrigée... Ça ne se lit pas comme un roman, loin de là, mais oui, c'est intéressant.

mazel a dit…

ce doit être intéressant, je le note sur la liste de mes envies,
bonne journée
bises

helene a dit…

Découverte de ce blog e soir, tandis que je cherche une critique de Monsieur SAPIRO.
Jolie bannière et Mark Twain... : je lis les aventures de tom Sawyer en ce moment , marrant non ?

Anonyme a dit…

Forcément ça m'intéresse, merci pour cette découverte !

Anonyme a dit…
Ce commentaire a été supprimé par un administrateur du blog.
nathalie a dit…

Mazel : à lire en diagonale, à son rythme.
Hélène : oui, c'est amusant. J'espère que tu vas aimer Tom Sawyer !
George : intéressant et documentaire, curieux plus que littéraire.

Marie a dit…

Ca fait longtemps que j'ai envie de le lire. Tu me fais saliver!

nathalie a dit…

Marie : Balzac en Pantoufles existe en papier mais pas l'autre, je crains qu'on ne trouve le texte que sur Gallica.

Asphodèle a dit…

Je m'aperçois que je n'y connais pas grand-chose en Balzac mais j'aime lire tes découvertes !!! :)

nathalie a dit…

Il ne s'agit pas d'une biographie, on n'y apprend pas non plus grand chose. Il s'agit plutôt d'anecdotes, de tranches de vie.