Gustave Flaubert et Maxime Du
Camp, Nous allions à l’aventure, par les champs et par les grèves, Le Livre de Poche, 2012.
Voyage en Bretagne effectué en 1847, récit rédigé en 1847-48, publié en extraits en 1885 sous le titre Par les champs et par les grèves, d'où sont tirés les extraits de la présente édition.
Une fois passée le fait qu’il
s’agisse d’extraits et non d’une œuvre intégrale (et moi je lirai bien la
partie qui se déroule dans le Val de Loire), j’ai adoré le livre.
Cela s’en allait doux et triste sur la mer, comme dans une âme un souvenir confus qui passe.
Les deux compères visitent la
Bretagne durant un bel été. Ils cherchent :
- des beaux paysages et des
promenades bucoliques. L’essentiel du livre est la description de leurs marches
dans les forêts, les champs, les campagnes, sur les falaises, les rochers, les
plages à marée basse. Ils aiment herboriser et se déplacent beaucoup à pied. La
description de Belle-Île par Flaubert est absolument magnifique : l’attention
portée aux couleurs des rochers ou des plantes, aux eaux, à la lumière. On y
est. L’imparfait de Flaubert donne une impression d’éternité à cette évocation.
- des lieux pittoresques,
c’est-à-dire empreints d’un charme ancien. Ils aiment les villes anciennes (et
pas du tout le Brest rectiligne de l’armée et du bagne), les églises anciennes
(sus aux restaurations modernes) dont ils détaillent à loisir les chapiteaux et
les sculptures, les ruines, les lieux évocateurs (de la vie de Chateaubriand
par exemple)
- un pays ancien et disparu
datant d’avant l’ère du bourgeois boursouflé, du préfet et de l’administration
imbécile. Ils aiment les costumes des paysans, leurs fêtes, leur patois.
Ah ! de l’air ! de l’air ! de l’espace encore ! Puisque nos âmes serrées étouffent et se meurent sur le bord de la fenêtre, puisque nos esprits captifs, comme l’ours dans sa fosse, tournent toujours sur eux-mêmes et se heurtent contre ses murs, donnez au moins à mes narines le parfum de tous les vents de la terre, laissez s’en aller mes yeux vers tous les horizons !
Ils se moquent :
- des lieux trop connus des autres voyageurs en Bretagne qui n'entraînent que des banalités déjà dites
- des questions historiques, que
ce soit la reine Anne ou la Révolution (alors que le voyage est bien préparé et documenté)
- de la bêtise, celle des paysans
ou celle des bourgeois, quoique les seconds soient pires, par leur prétention
et arrogance. Les paysans et les pêcheurs témoignent au moins d’un temps
disparu et leur piété simple et sans affèterie suscite en partie leur respect.
- de la mode pour les antiquités celtiques (auraient-ils lu eux aussi les notes de Mérimée ?) et surtout de la multitude d’hypothèses pour expliquer la raison d’être de ces pierres levées. À mon avis, les Bouvard et Pécuchet de tout poils sont de bonnes cibles.
Voici donc ce fameux champ de Carnac qui a fait écrire plus de sottises qu’il n’a de cailloux.
Nous comprîmes donc parfaitement l’ironie de ces granits qui, depuis les druides, rient dans leurs barbes de lichens verts à voir tous les imbéciles qui viennent les voir. Les savants ont passé leur vie à chercher ce qu’on en avait pu faire ; et n’admirez-vous pas d’ailleurs cette éternelle préoccupation du bipède sans plumes de vouloir trouver à chaque chose une utilité quelconque ?
Ils prêtent attention à la
pauvreté et à la dureté de la vie dans ces campagnes. Ils visitent les
monuments mais sans montrer de prétention scientifique, les vieilles églises
(romanes donc) et les cimetières les fascinent pour leurs sculptures barbares
et naïves, leur rapport à la mort, ce sont des curiosités historiques,
archéologiques et mémorielles.
À cette époque, le tourisme et
surtout ce goût pour la marche ne sont pas répandus en Bretagne et Flaubert et
Du Camp sont eux aussi de véritables curiosités. On a donc alternance de belles
description de la nature et des lieux et de bons mots à la virtuosité un peu
rosse (surtout chez Du Camp).
On croise aussi des auberges de
piètre qualité et toutes sortes de chevaux tirant de drôles de voitures.
Nous voulions jusqu’au bout abuser de notre plaisir et le savourer sans en rien perdre. Plus légers que le matin, nous sautions, nous courions sans fatigue ; sans obstacle, une verve de corps nous emportait malgré nous et nous éprouvions dans les muscles des espèces de tressaillements d’une volupté robuste et singulière. Nous secouions nos têtes au vent, et nous avions du plaisir à toucher les herbes avec nos mains. Aspirant l’odeur des flots, nous humions, nous évoquions à nous tout ce qu’il y avait de couleurs, de rayons, de murmures, le dessin des varechs, la douceur des grains de sable, la dureté du roc qui sonnait sous nos pieds, les altitudes de la falaise, la frange des vagues, les découpures du rivage, la voix de l’horizon ; et puis c’était la brise qui passait, comme d’invisibles baisers qui nous coulaient sur la figure, c’était le ciel où il y avait des nuages allant vite, roulant une poudre d’or, la lune qui se levait, les étoiles qui se montraient.
À marée basse dans les rochers, photos M&M. Challenge breton de Claudia Lucia. Destination PAL de Lili.
Voilà un titre que je n'hésiterai pas à prendre la semaine prochaine si mes pas me mènent vers une échoppe de livres ! :p
RépondreSupprimerRevisiter la Bretagne en compagnie de Flaubert et en 1847, ça ne doit pas être mal du tout !
RépondreSupprimerJe vois que vous avez compris que ce livre était tout à fait indispensable.
RépondreSupprimerJ'ai eu un plaisir particulier à lire ce livre il y a quelques années, car l'endroit où j'habite est décrit par Flaubert, et, miracle, n'a pas changé !
RépondreSupprimerJ'ai effectivement pensé à toi en lisant le livre ! Ce livre donne très envie d'aller en Bretagne.
RépondreSupprimerJ'étais absente de chez moi quand tu as publié ce texte et je le découvre en faisant le dernier bilan. j'arrête le challenge comme il était prévu après un an.
RépondreSupprimerTu me donnes envie de lire ce livre, challenge ou pas!
Ce livre est super ! Il sera en dehors du bilan mais j'irai bien voir l'opéra sur l'île d'Ys, je le raconterai sans doute ici.
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