Honoré de Balzac, Mémoires de deux jeunes mariées, 1841.
Un petit Balzac intéressant et
réussi, malgré la thèse un peu lourde de l’auteur (comme souvent chez Honoré).
Deux amies s’échangent des
lettres depuis leur sortie du couvent. Renée, en Provence, va faire un mariage
de convention. Elle parle de dévouement et se méprise un peu. Elle a des
enfants et crée patiemment une petite cellule familiale très heureuse qui
traverse le siècle. Pendant ce temps, Louise, grande aristocrate parisienne,
choisit le mariage d’amour avec Felipe, noble arabo-espagnol. Nous allons
suivre les deux trajectoires.
Disons tout de suite ce qui
fâche : la thèse de Balzac à savoir que les femmes sans enfant l’ont
forcément voulu et paieront chèrement cet égoïsme. Il y a un ou deux passages
bien crétins.
En revanche, beaucoup de passages
sont réussis, notamment ceux où les personnages prennent le dessus sur
l’auteur. C’est ainsi que Balzac chante merveilleusement bien les angoisses et
les joies de la jeune mère, celle qui guette les progrès de chaque jour, qui
voit grossir un être nourri uniquement de son lait, celle qui essaie de faire
manger, de faire se laver un enfant. Les ruses et stratégies de la vie
quotidienne sont très finement racontées. Comme le célibataire Maupassant
raconte parfaitement la douceur de la vie à deux dans Fort comme la mort, Balzac, l’homme sans enfant, se projette dans
la maternité avec une justesse étonnante. Autre réussite : la description
du mariage qui lie définitivement une femme à un homme, l’ignorance où sont
tenues les jeunes filles et le brutal apprentissage du couple. Le destin des
femmes du XIXe siècle n’est pas à envier et leur angoisse est
remarquablement décrite, notamment quand Renée supplie Louise de ne pas se
marier, même par amour. En cela, le roman est une analyse psychologique très
réussie.
Botticelli, Vierge à l'enfant, détail du tableau du musée Fesch d'Ajaccio, RMN. |
Le lendemain du mariage, le terrible fait qui change la fille en femme et l’amant en mari, peut renverser les élégants échafaudages de tes subtiles précautions.
Enfin, la présence de Felipe
apporte une touche espagnole, mystérieuse et sauvage au roman de Louise. Comme
la Mathilde du Rouge et le noir, Louise
tient par dessus tout à son orgueil. Se plaignant de sa société bourgeoise et
donc forcément médiocre, elle en appelle aux figures de la chevalerie ancienne,
supposément plus rudes, franches et audacieuses. De plus, la fin reste
relativement inattendue, notamment cette peinture d’une thébaïde d’amour pas
très loin de l’ermitage de Des Esseintes. C’est tout de même la force d’un
grand romancier de se renouveler ainsi.
À lire malgré ses défauts !
J’ai personnellement apprécié l’hommage rendu au mobilier du XVIIIe
siècle, si gracieux, si élégant, si féminin, renvoyant au monde disparu des
salons mondains de l’Ancien régime.
Nous avons un homme à qui je puis
dire : Allez mourir pour moi !... Et il est de caractère à y aller,
je le crois du moins. Enfin, il y a dans Paris un homme à qui je pense, et dont
le regard m’inonde intérieurement de lumière. Oh ! c’est un ennemi que je
dois fouler aux pieds. Comment, il y aurait un homme sans lequel je ne pourrais
vivre, qui me serait nécessaire ! tu te maries et j’aime ! Au bout de
quatre mois, ces deux colombes qui s’élevaient si haut sont tombées dans les
marais de la réalité.
J'espère bien le lire, d'autant plus que je suis dans ma période Balzac !
RépondreSupprimerAh oui, c'est un classique même si on ne lit pas tout.
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