La vraie vie, la vie enfin découverte et éclaircie, la seule vie par conséquent réellement vécue, c'est la littérature.



vendredi 5 août 2016

Peut-être devrait-elle dire un mot.

Maggie O’Farrell, L’Étrange disparition d’Esme Lennox, traduit de l’anglais par Michèle Valencia, parution originale 2006.

Une sombre histoire de femmes.

Nous suivons deux fils principaux. Tout d’abord, les pensées d’Esme, née en Inde britannique, dont la famille rejoint l’Écosse. Petite fille libre, trop sensible et trop rêveuse, farceuse, ne voulant pas se marier, souhaitant étudier, mais dans une famille très corsetée, dans un milieu où ces femmes-là sont brisées. Quelques dizaines d’années plus tard, nous retrouvons Iris, petite-nièce d’Esme qui découvre une femme âgée ayant passé l’essentiel de sa vie dans un asile. Elles se parlent un peu certes, mais le lecteur suit surtout leurs souvenirs de famille réciproques. Entre les deux, s’intercalent les pensées marmonnées de Kitty, la sœur d’Esme.
Un roman très prenant. Si le lecteur comprend assez rapidement la ligne générale du récit, les détails les plus sinistres et sordides ne lui apparaissent que progressivement, au point où la tentation de la relecture existe pour comprendre certaines allusions. C’est surtout le beau portrait d’une petite fille et d’une jeune femme brisée par cette épouvantable société hostile à tout ce qui n’est pas une digne mère de famille. Kitty et Esme ne sont pas monolithiques. Elles s’aiment, sont complices, s’agacent, sont rivales et leurs sentiments sont ambivalents.
En dépit du fond qui est très sombre, le roman est porté par une certaine vie intérieure, grâce à Iris et grâce à l’humour d’Esme. La vérité se fraie doucement un chemin.
I. Nonell, 1909, Madrid Reina Sofia, M&M. 
La conversation n’en finit pas. Que se racontent-ils donc ? Des tas de choses, apparemment. Pour sa part, Esme ne voit jamais rien qu’elle souhaiterait communiquer à ces gens. Elle pousse sa cuillère contre un bord du bol, puis la ramène en arrière et observe les remous et tourbillons qui se forment autour du couvert en argent. Elle n’écoute pas les gens, du moins ne s’attache pas aux mots qu’ils prononcent, perçoit juste le bruit d’ensemble. On croirait entendre des perroquets juchés sur de grands arbres, ou des grenouilles qui se regroupent au crépuscule. Ça fait le même crr, crr, crr.

Des femmes écrivainsDestination PAL  – La liste des lectures de l’été. 

L’avis de Nath (je suis assez d’accord avec elle concernant Iris) et du Grenier de Choco qui a été très ému. 

6 commentaires:

Sandrine a dit…

J'ai beaucoup aimé ce roman également : bien sombre destin raconté avec force

nathalie a dit…

Il a eu un certain succès sur les blogs en effet il y a 2-3 ans.

Miss Alfie a dit…

Je me souviens que j'étais sortie mitigée de cette lecture...

nathalie a dit…

Les deux héroïnes ne sont pas traitées à égalité et on peut peut-être aussi trouver qu'il y en a un peu trop. Mais un bon moment de lecture quand même.

dasola a dit…

Rebonjour, un très beau roman lu lors de sa sortie il y a 15 ans. Ce fut une belle découverte. Bon après-midi.

nathalie a dit…

Je vois que j'ai un avis très positif mais je ne m'en rappelle plus du tout !